VEILLE JURIDIQUE OPERATIONS IMMOBILIERES – MAI – JUIN – JUILLET 2023
FISCALITE
Actualisation du seuil de tolérance administrative – location et sous-location d’une partie de la résidence principale
L’administration fiscale actualise le seuil de tolérance administrative prévu à l’article 35 bis, I du CGI concernant les produits de la location ou de la sous-location d’une partie de la résidence principale du bailleur.
Pour rappel, les personnes qui louent ou sous-louent une partie de leur habitation principale sont exonérées d’impôt sur le revenu pour les produits tirés de cette location lorsque les pièces louées constituent pour le locataire, ou le sous-locataire en meublé, sa résidence principale et que le prix de la location est fixé dans des limites raisonnables.
Pour apprécier si le prix de la location est raisonnable, l’administration publie deux plafonds selon les régions, réévalués chaque année, en deçà desquels le loyer est réputé raisonnable.
Pour 2023, les plafonds annuels de loyer par mètre carré de surface habitable, charges non comprises, sont fixés à 199 € en région d’Île-de-France et à 147 € dans les autres régions.
Déclaration d’occupation des biens immobiliers : un délai supplémentaire d’un mois aux propriétaires
Depuis le 1er janvier 2023, les contribuables ont l’obligation de déclarer l’état d’occupation des biens à usage d’habitation dont ils sont propriétaires.
Par un communiqué de presse publié le 1er août, l’administration fiscale a annoncé le report du délai de la déclaration d’occupation des biens immobiliers. Cette déclaration peut donc à présent être effectuée jusqu’au 10 août 2023 inclus, et ce, sans pénalités.
Pour plus de détails, nous vous invitons à lire le bulletin publié par le département du contentieux fiscal et ingénierie patrimoniale.
Les travaux de second oeuvre sont l’accessoire indissociable des travaux de gros oeuvre
L’administration fiscale a remis en cause la déduction des dépenses de travaux déduits au titre du régime des “Déficits fonciers” au motif que l’ensemble des travaux effectués devait être regardé comme des travaux de reconstruction non déductibles des revenus fonciers.
Les juges d’appel retiennent que les travaux de second-œuvre étaient importants et affectaient dans certains cas le gros-œuvre. Ils étaient par conséquent indissociables de ce dernier et l’ensemble des travaux devait être ainsi regardé comme des travaux de reconstruction.
Le Conseil d’État, dans son arrêt en date du 12 mai 2023, casse l’arrêt d’appel et considère que pour déterminer l’éligibilité des dépenses aux » Déficits fonciers « , la cour aurait dû rechercher si les travaux de gros-œuvre avaient eux-mêmes la nature de travaux de reconstruction dont les travaux de second-œuvre n’auraient été que l’accessoire indissociable.
L’activité de location équipée serait-elle éligible au régime Dutreil ?
En 2008, des époux consentent une donation-partage de la propriété de plusieurs parts de leurs sociétés en faveur de leurs enfants sous le régime de l’article 787 B du code général des impôts (Pacte Dutreil).
L’administration, confirmée par la cour d’appel, remet en cause le bénéfice de ce régime en soutenant que les sociétés dont les parts ont été transmises n’exerçaient pas une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, condition nécessaire à l’application du régime Dutreil.
La Cour de cassation, dans une décision en date du 1er juin 2023, casse l’arrêt d’appel au motif que les juges auraient dû rechercher si les sociétés n’exerçaient pas l’activité commerciale de loueur d’établissement commerciaux ou industriels munis d’équipements nécessaires à leur exploitation dans la mesure où cette activité serait éligible au régime Dutreil.
Actuellement, les commentaires du BOFiP excluent explicitement cette activité du régime Dutreil. Il sera donc intéressant de suivre la position de la Cour d’appel de Paris devant laquelle la chambre commerciale a renvoyé les parties ainsi que l’actualité juridique à venir sur le sujet.
Anna Dauba
Modification de la taxe annuelle sur les bureaux
Le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a pris un décret le 31 mai 2023, lequel actualise pour l’année en cours la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement.
L’article 231 ter du code général des impôts est modifié en substance pour tenir compte des nouveaux tarifs au mètre carré, accessibles ici.
Lisa Nebreda
Le propriétaire demeure redevable de la taxe d’habitation lors de locations saisonnières de courte durée
Par un arrêt du 15 juin 2023, le Conseil d’État a été amené à déterminer qui du propriétaire ou du locataire avait l’obligation de s’acquitter de la taxe d’habitation dans le cadre d’une location meublée de courte durée.
Pour mémoire, la taxe d’habitation est due sur tous les locaux meublés affectés à l’habitation, excepté les résidences principales.
Le Conseil d’État rappelle qu’il appartient au propriétaire du logement de s’acquitter de cette taxe, indifféremment de la qualité de l’occupant dudit logement au 1er janvier.
Ainsi, le propriétaire au 1er janvier de l’année d’imposition d’un logement meublé donné en location pour de courtes durées demeure redevable de la taxe d’habitation.
Lalia Bou Said
L’appréciation de la conformité à la Constitution des sanctions pour factures non conformes en matière de TVA
En vertu de l’article 289 du Code général des impôts, les assujettis à la TVA sont tenus de s’assurer qu’une facture est émise pour chacune de leurs opérations.
En matière d’exécution de travaux immobiliers, l’article 290 quinquies du même code dispose que la facture doit comporter des mentions relatives au nom des parties, à la nature et date de l’opération effectuée, son prix ainsi que celui de la taxe.
Dans les faits d’espèce, une société a formulé une QPC estimant que l’article 1737, II du CGI méconnaissait le principe de proportionnalité des peines prévu par l’article 8 de la DDHC. En effet, ce dernier prévoit une amende à hauteur de 15 € pour chaque omission ou inexactitude dans une facture, alors même que le manquement n’est pas intentionnel.
Le Conseil Constitutionnel rejette la QPC et déclare cet article conforme à la Constitution au motif que la sanction poursuit l’objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale. De surcroît, elle est proportionnée puisqu’un plafonnement du montant total des amendes est prévu et doit être égal à 25 % du montant qui y est ou aurait dû y être mentionné.
Youssra Echchamsi
La location meublée de courte durée systématiquement soumise à la TVA ?
Par un avis du 05 juillet 2023, le Conseil d’État s’est prononcé au sujet du régime d’assujettissement à la TVA des locations meublées avec fourniture de services para-hôteliers et sa compatibilité à la directive TVA.
Le département Contentieux fiscal et ingénierie patrimoniale du cabinet avait traité la question posée par la CAA de Douai dans un bulletin de juin dernier, que nous vous invitons à consulter.
Cette Cour a transmis la question au Conseil d’État qui considère dans un premier temps que la condition selon laquelle l’exploitant doit fournir 3 des 4 prestations de service para hôtellière pour être soumis à la TVA est incompatible avec la directive précitée. Dans un second temps, il estime que le régime actuel est compatible avec les objectifs de la directive en tant qu’il exclue de l’exonération de TVA les activités se trouvant dans une situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières.
La Haute juridiction conclut que l’administration devra apprécier au cas par cas si un établissement proposant une location meublée se trouve en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières en fonction notamment de la durée minimale du séjour et des prestations fournies avec l’hébergement. De sorte, les locations meublées de courte durée telles que les locations « Airbnb » devrait être soumises à la TVA.
IMMOBILIER
Vers un rééquilibrage des exigences de rénovation énergétique entre les locations saisonnières et les locations d’habitation
Une proposition de loi a été déposée en février 2023 « visant à rétablir l’équilibre entre locations d’habitation et locations saisonnières en matière de rénovation énergétique des logements ». Cette proposition de loi, en cours d’examen, aurait pour objet d’établir des critères de performance énergétique applicables à tous les logements, y compris ceux dont la mise en location est saisonnière.
En effet, depuis le 1er janvier 2023, seuls les logements d’habitation sont soumis au respect de critères de performance énergétique afin de pouvoir être mis sur le marché locatif.
Ainsi, afin d’équilibrer les exigences portant sur ces deux types de location et de respecter les objectifs de la loi « Climat et Résilience », cette proposition de loi prévoit d’étendre les exigences de performance énergétique aux locations saisonnières en imposant notamment le respect d’un critère de performance énergétique minimal. Un seuil maximal de consommation d’énergie finale par mètre carré et par an sera défini par décret en Conseil d’état.
Si elle est adoptée, cette loi devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2024.
Louison Rouillier
Un copropriétaire peut-il agir en indemnisation des désordres ou non-conformités affectant l’immeuble ?
De jurisprudence constante, un copropriétaire peut agir seul pour faire cesser une atteinte portée aux parties communes par un tiers qui lui cause un préjudice propre. Toutefois, la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 8 juin 2023, précise que le copropriétaire n’a pas qualité pour agir seul en paiement du coût des travaux de remise en état rendus nécessaires par cette atteinte.
En l’espèce, à la suite de désordres constructifs et malfaçons portant sur les parties communes d’une résidence-services pour séniors, des copropriétaires assignent les constructeurs en indemnisation au titre des travaux de reprise. La cour d’appel, confirmée par la Cour de cassation, considère ces demandes irrecevables.
En effet, selon la Cour, il résulte de la combinaison des articles 14 et 15 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis que seul le syndicat des copropriétaires est recevable à agir en réparation des atteintes. C’est ainsi à lui qu’il revient de percevoir les sommes en paiement du coût des travaux de remise en état et les affecter à la réalisation de ces derniers.
Anna Dauba
Non application de la réduction des voix en présence d’un mandataire commun représentant différents copropriétaires
Une SCI détient des lots qui rassemblent plus de la moitié des parties communes d’un immeuble soumis au statut de la copropriété. Celle-ci cède la nue-propriété de ses lots aux enfants de son gérant tout en conservant l’usufruit.
A l’occasion d’une assemblée générale de copropriété, la SCI est désignée mandataire commun par les nus-propriétaires lui conférant ainsi le droit d’y assister et de voter en leur nom. Plusieurs résolutions sont adoptées, votées à la majorité par la SCI.
L’autre copropriétaire de l’immeuble assigne le syndicat des copropriétaires en annulation de ces résolutions au motif que la règle de la réduction des voix de l’article 22 de l’ordonnance n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis aurait dû être appliquée. Il soutient que si un copropriétaire détient des lots lui attribuant la majorité absolue des voix à l’assemblée générale, le nombre de voix dont il dispose doit être réduit à la somme des voix de tous les autres copropriétaires.
La Cour de cassation, dans un arrêt en date du 25 mai 2023, confirme l’arrêt de la cour d’appel qui a écarté la règle de la réduction des voix constatant que les lots en cause n’étaient pas détenus par une seule main mais bien par différents nus-propriétaires, la désignation de la SCI comme mandataire commun chargé de les représenter étant sans incidence.
Patrick El Chidiac
Annonce d’un plan gouvernemental contre la crise du logement
Le 5 juin 2023, à la suite des rapports du Conseil national de la refondation, le gouvernement a présenté ses premières mesures pour faire face à la crise du logement :
• Favoriser l’accès à la propriété : prolongation de prêt à taux zéro jusqu’en 2027, élargissement des conditions d’attribution du bail réel solidaire et poursuite de la mensualisation du taux d’usure.
• Faciliter l’accès à la location pour les classes moyennes : doublement des bénéficiaires de la garantie visale, rachat et rénovation des logements dans l’ancien par les opérateurs construisant les logements intermédiaires, augmentation d’un milliard d’euros de la Caisse des dépôts et consignations et enfin adaptation de la fiscalité locative afin de favoriser les dispositifs comme Loc’Avantages.
• Produire et rénover des logements sociaux : lancement d’un second plan “Logement d’Abord” avec 160 millions d’euros débloqués, mise en place d’un pacte de confiance avec les bailleurs sociaux et mise en place d’aides pour la rénovation énergétique des logements sociaux et développement du dispositif de seconde-vie.
• Relancer la production des logements : rachat de logements par la Caisse des dépôts et consignations et avec Action logement, simplification des formalités administratives et juridiques pour la construction des logements en zones tendues, libération du foncier et foncier public, révision du zonage des « zones tendues » et enfin, favorisation de la production de logements compatibles avec la transition écologique et la sobriété foncière.
• Accélérer la rénovation énergétique des logements : simplification de MaPrimeRénov’ et augmentation des crédits pour une rénovation globale, augmentation du nombre de « mon accompagnateur rénov’ », solutions complémentaires de financement afin d’inciter la rénovation de logements et mise en place d’un parcours aux aides simplifiées et un reste à charge réduit pour les foyers les plus modestes.
Mathilde Raffoux
Conformité à la CEDH du point de départ du délai de contestation d’une assemblée générale de copropriétaires
La Cour de cassation s’est prononcée le 29 juin 2023 sur la conformité à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) de l’article 64 du décret n°67-223 du 17 mars 1967,[DP1] lequel fixe le délai de contestation d’une assemblée générale de copropriétaires au lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée contenant le procès-verbal de l’assemblée.
En l’espèce, un copropriétaire s’était vu opposer l’irrecevabilité de sa demande d’annulation de l’assemblée en raison de sa tardivité. Or, la lettre recommandée lui étant destinée était retournée à l’expéditeur avec la mention « pli avisé et non réclamé ».
Le juge énonce qu’en application de l’article 64 précité, le délai de contestation court quand bien même la lettre ne parviendrait pas effectivement à son destinataire.
Sur sa conformité à la CEDH, la Cour considère que le texte a pour objectif légitime de sécuriser le fonctionnement des copropriétés et éviter de fragiliser l’exécution des décisions d’assemblée générale. Elle estime la mesure proportionnée au regard du droit de contestation des copropriétaires et ainsi, aucune atteinte à la CEDH ne peut être caractérisée.
Anna Dauba
Local à usage industriel : définition et exclusion de l’application du droit de préférence
En l’espèce, un local a fait l’objet d’un bail commercial. Par la suite, celui-ci a été vendu à un tiers.
Le locataire, estimant que le droit de préférence n’avait pas été mis en œuvre, assigne le bailleur en annulation de la vente et indemnisation.
Pour rappel, le droit de préférence s’applique uniquement aux locaux commerciaux, artisanaux ou d’habitation, à l’exclusion des locaux industriels.
N’ayant pas eu gain de cause devant les deux premiers niveaux de juridiction, le locataire se pourvoit en cassation, estimant que la qualification de local industriel n’est pas justifiée dès lors qu’il exerce une activité partielle de négoce.
Le 29 juin 2023, les juges de la Cour de cassation confirment que le champ d’application du droit de préférence concerne les seuls locaux à usage commercial et artisanal.
De plus, pour la première fois la Haute juridiction va donner sa propre définition d’un local à usage industriel, il s’agit donc de « tout local principalement affecté à l’exercice d’une activité qui concourt directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matérielles et outillages mis en œuvre est prépondérant ».
En l’espèce, l’activité de négoce n’étant que partielle, celle-ci ne permettait pas de qualifier le local comme étant à usage commercial. Par conséquent, le local ne pouvait pas rentrer dans le champ d’application du droit de préférence.
Lise Nebreda
Primauté de la commune intention des parties sur la désignation du bien dans l’acte de vente
En l’espèce, deux lots de copropriétés, un débarras et une chambre de service, sont vendus respectivement en 1996 et 2007 à deux acquéreurs différents.
Lors de la prise de possession des lieux, les clés sont interverties. L’acquéreur du débarras prend ainsi possession de la chambre de service et la loue régulièrement.
En 2014, l’acquéreur de la chambre de service prend connaissance de cette interversion et assigne l’acquéreur du débarras pour remise des clés.
La cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 16 avril 2021, a rejeté cette demande en considérant que l’objet du contrat de vente est déterminé en fonction de la volonté réelle des parties, sans qu’il y ait lieu de s’arrêter aux indications de l’acte de vente.
En effet, la prise de possession du débarras par l’acquéreur de la chambre de service est caractérisée par la remise des clés en 2007 et son occupation, sans protestation ni réserves jusqu’en 2014.
La Cour de cassation dans un arrêt en date du 8 juin 2023, rejette le pourvoi et la demande de remises des clés au motif que la commune intention des parties prime sur la désignation des lots dans les actes de ventes.
Océane Nau
Le nouvel encadrement des loyers à Paris et Bordeaux à compter de juillet 2023
Un arrêté en date du 30 juin 2023 et deux arrêtés en date du 4 mai 2023 (Plaine Commune et Est Ensemble) fixent les loyers de référence (majorés et minorés) pour la ville de Paris et sa périphérie. Il en est de même pour la ville de Bordeaux par un arrêté en date du 20 juin 2023.
Ces nouveaux loyers de référence entreront en vigueur, respectivement les :
- 1er juin pour la Plaine Commune et l’Est ensemble,
- 1er juillet pour Paris,
- 15 juillet 2023 pour Bordeaux.
Ils prennent en compte, le type de location (meublée ou non), le nombre de pièces principales (art. R-111-1 du code de la construction et de l’habitation) ainsi que l’année de construction. Cela concerne :
- 80 quartiers répartis en 14 secteurs pour tous les baux d’habitation à Paris ;
- 8 quartiers répartis en 4 secteurs pour tous les baux d’habitation à Bordeaux.
URBANISME
Terrain constructible : l’obligation de délivrance conforme s’apprécie au moment du transfert de propriété
Dans le cadre d’un arrêt rendu le 25 mai 2023, la Cour de cassation précise la date d’appréciation du respect de l’obligation de délivrance conforme du vendeur dans le cadre d’une cession d’un terrain vendu comme étant constructible.
En l’espèce, le 31 janvier 2012, un particulier acquiert un terrain à bâtir au sens du PLU (Zone U) et d’un certificat d’urbanisme obtenu quelques jours auparavant.
L’acquéreur découvre que le terrain est finalement classé en zone AN et AH du Plan local d’urbanisme (PLU) à la suite d’une délibération du conseil municipal du 27 janvier 2012. Le terrain est donc désormais inconstructible.
Il assigne la venderesse en paiement de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de délivrance conforme.
La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’acquéreur et juge que le respect de l’obligation de délivrance conforme du vendeur d’un terrain vendu comme étant constructible s’apprécie à la date du transfert de propriété, au regard des dispositions du plan local d’urbanisme en vigueur à cette date.
Au cas particulier, le conseil municipal avait adopté et modifié le PLU par une délibération du 27 janvier 2012 mais celle-ci n’a été publiée, et donc devenue opposable, que le 9 février 2012, soit postérieurement à la cession. Le terrain cédé était donc bien un terrain à bâtir.
Céline Touray, Manon Zambonino et Maxime Casas
La suppression de l’appel pour des contentieux en matière d’urbanisme prolongée et étendue
Par requête du 24 août 2022, la Fédération nationale des unions de jeunes avocats a demandé au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir l’article 1 du décret n° 2022-929 du 24 juin 2022 portant modification du code de justice administrative et du code de l’urbanisme.
Cet article prolonge jusqu’au 31 décembre 2027 et étend à certains recours la suppression du degré d’appel concernant les actes et opérations d’urbanisme situés dans des communes confrontées à un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements. Désormais, c’est le tribunal administratif qui statue en premier et dernier ressort.
Le Conseil d’État, dans un arrêt en date du 14 juin 2023, rejette la demande d’annulation, considérant que le droit d’exercer un recours effectif est respecté dans la mesure où aucun texte ne consacre l’existence d’une règle du double degré de juridiction et que le principe d’égalité n’est pas méconnu dès lors qu’un objectif d’intérêt général est poursuivi, ici notamment la réduction, dans les zones où la tension entre l’offre et la demande de logements est particulièrement vive, du délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation d’opérations de construction de logements ou d’opérations susceptibles de favoriser le développement de l’offre de logements.
Patrick El Chidiac
Non automaticité de la régularisation d’une autorisation d’urbanisme à la suite d’un sursis à statuer du juge administratif
Dans une décision rendue le 4 mai 2023, le Conseil d’État a été amené à se prononcer sur les modalités de régularisation d’une autorisation d’urbanisme dans le cadre d’un sursis à statuer.
En l’espèce, après constatation qu’un permis de construire méconnaissait les règles du plan local d’urbanisme (PLU) en vigueur, le tribunal administratif de Toulouse a sursis à statuer pour permettre au pétitionnaire de régulariser le projet. Faisant suite à cette décision, la commune a modifié le PLU de telle sorte que le projet en respectait les règles. Par un second jugement, le tribunal constate que le pétitionnaire n’a pas sollicité de permis de construire de régularisation dans les délais fixés comme il y était invité et annule les décisions contestées.
Le Conseil d’Etat énonce que lorsque la règle de fond méconnue par le permis de construire a été supprimée ou modifiée de telle sorte qu’elle ne l’est plus, la régularisation consécutive à un sursis à statuer implique une nouvelle décision relative au projet. Dans ce cas, il sera alors nécessaire d’établir un permis modificatif.
Mathilde Raffoux
Le recours exercé contre une partie des prescriptions d’un permis de construire proroge uniquement celles qui ont été contestées dans le cadre du recours gracieux
En l’espèce, une SCI obtient un permis de construire assorti de douze prescriptions. Cette dernière conteste sept d’entre elles par un recours gracieux devant le maire dans le délai légal, lequel a été refusé.
La SCI saisit alors le tribunal administratif de Versailles afin d’annuler l’ensemble des prescriptions. La juridiction estime que seules sont recevables les conclusions concernant les sept prescriptions contestées dans le recours gracieux, ce dernier ayant prorogé le délai de recours contentieux en ce qui les concerne. Pour le reste, elle estime les conclusions irrecevables, le délai étant échu.
L’affaire est portée devant le Conseil d’État qui confirme la position du juge administratif par un arrêt du 02 juin 2023.
Paul Goig
Annulation de l’ordonnance ayant suspendu l’exécution d’un permis de construire régularisé par un permis modificatif
Par ordonnance du 25 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a suspendu l’exécution d’un permis de construire ayant pour objet la démolition et la reconstruction d’un hôtel.
La SARL détentrice du permis formule alors une demande d’annulation des effets de l’ordonnance, au motif qu’elle a obtenu un permis modificatif régulier. Ce qui lui est refusé par le juge des référés.
La société se pourvoit alors en cassation sur le fondement de l’article L. 521-4 du code de justice administrative, selon lequel le juge des référés peut annuler ou modifier des mesures qu’il avait ordonnées pour donner suite à la demande de tout intéressé et au vu d’un élément nouveau.
Le Conseil d’État, par un arrêt en date du 16 juin 2023, donne raison à la société et affirme ainsi que peut être levée la suspension de l’exécution d’un permis de construire lorsque celui-ci est régularisé par un permis modificatif régulier.
Patrick El Chidiac
Une commune peut exercer son droit de préemption urbain quand bien même l’objectif de production de logements sociaux serait atteint
Pour rappel, l’article L. 302-5 du CCH impose à certaines communes de disposer d’un nombre minimum de logements sociaux.
Pour atteindre cet objectif, la collectivité peut exercer son droit de préemption urbain lui permettant de se substituer à un acquéreur et réaliser, dans l’intérêt général, des opérations d’aménagement.
En l’espèce, l’acquéreur évincé et la propriétaire d’un bien objet de la préemption par une commune se pourvoient en cassation. Ils indiquent que la mise en œuvre du droit de préemption ne répondait pas à un intérêt général suffisant, la commune ayant déjà atteint ses objectifs en termes de production de logements sociaux.
Le Conseil d’État, dans un arrêt du 30 juin 2023, rejette le pourvoi en précisant que les objectifs de production de logements sociaux correspondent à des seuils à atteindre et non des plafonds.
CONSTRUCTION
Le garant de la mise en oeuvre de la garantie d’achèvement doit apporter la preuve de la réalisation effective des travaux
Une SCI a acquis en l’état futur d’achèvement (VEFA) certains lots d’un immeuble dont le promoteur a été placé, durant la réalisation des travaux, en liquidation judiciaire. La SCI actionne alors la garantie d’achèvement qui avait été souscrite sous la forme d’un cautionnement bancaire pour mener à terme le chantier.
A l’issue des travaux, le garant réclame à la SCI le paiement du solde du prix d’achat de ses lots. La SCI lui indique qu’un accord avait été signé avec le promoteur, lequel prévoyait que certains travaux réalisés par la SCI devaient venir en déduction du solde du prix de vente restant encore à verser et que le garant n’était, à ce titre, pas fondé à demander le paiement de la totalité.
Les juges d’appel condamnent la SCI à payer l’intégralité du solde du prix de vente en relevant qu’elle n’établissait pas la preuve qu’elle avait pris en charge directement les travaux.
Par un arrêt en date du 11 mai 2023, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel au visa de l’article R. 261-21 du Code de la construction et de l’habitation en relevant que la charge de la preuve a été inversée et qu’il appartient au garant de la société défaillante d’apporter la preuve qu’il a financé la réalisation des ouvrages correspondant au solde du prix qu’il réclamait.
Restitution de créance en cas d’annulation du contrat de sous-traitance : exclusion des travaux de reprise des malfaçons
Dans le cadre de l’exécution de son marché de travaux, une entreprise fait appel à un sous-traitant. Des malfaçons étant constatées, le sous-traitant effectue des travaux de reprise.
A la suite de l’annulation du contrat de sous-traitance, l’entrepreneur principal est condamné par la Cour d’appel de Nîmes à restituer au sous-traitant toutes les sommes qu’il a déboursées, à savoir le montant des travaux initiaux ainsi que celui des travaux de reprise des malfaçons.
Se fondant sur l’article 14 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ainsi que l’ancien article 1178 du Code Civil, la Troisième Chambre Civile de la Cour de cassation, le 8 juin 2023, casse l’arrêt de la Cour d’appel. Les juges considèrent que le montant des travaux réalisés pour remédier aux malfaçons ne devait pas être pris en compte dans le coût réel des travaux.
Ainsi, en cas d’annulation d’un contrat de sous-traitance, la créance de restitution du sous-traitant correspond uniquement aux travaux objets du marché en excluant ceux de la reprise des malfaçons qu’il a commises.
Responsabilité extracontractuelle du maître de l’ouvrage envers son sous-traitant non déclaré
Le 16 mars 2023, la 3e chambre civile de la Cour de cassation a dû se prononcer à deux reprises (21-25.726 et 21-25.724) concernant la responsabilité d’un maître de l’ouvrage envers un sous-traitant non déclaré par l’entrepreneur principal d’après la règlementation en vigueur.
Au cas d’espèce, n’ayant pas obtenu le paiement du solde de ses factures par l’entrepreneur principal faisant l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, le sous-traitant sollicite, d’une part, que ses factures soient honorées et, d’autre part, d’être indemnisé au titre de l’article 1240 du Code civil.
L’article 14-1 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 dispose que le maître de l’ouvrage doit, s’il a connaissance de la présence sur le chantier d’un sous-traitant non déclaré, mettre en demeure l’entrepreneur principal de mettre en œuvre la procédure d’acceptation de ce dernier.
Au cas d’espèce, la mise en demeure a été adressée tardivement (plus de 10 mois après que le maître d’ouvrage ait eu connaissance de la présence du sous-traitant sur le chantier) C’est pourquoi une demande d’indemnisation a été réalisée par le sous-traitant conjointement à l’action directe. Cette demande a été rejetée par la Cour d’appel.
La Cour de cassation casse et annule partiellement l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles concernant le rejet de cette demande d’indemnisation et confirme ainsi que l’inaction du maître de l’ouvrage (ici le non-respect des obligations de l’article 14-1 susvisé), susceptible de priver le sous-traitant d’une délégation de paiement, d’une caution et du bénéfice de l’action directe est de nature à engager sa responsabilité (cf. : Tribunal de grande instance de Paris, 7e chambre 1re section, 2 mars 2015, n° 13/14595).
Cette décision s’inscrit dans la volonté du législateur, soutenue par une jurisprudence constante, de protéger les sous-traitants en faisant peser sur le maître de l’ouvrage des obligations denses et strictement appréciées au risque de voir sa responsabilité engagée.
L’ampleur de l’obligation de contrôle par le maître d’ouvrage de la garantie de paiement entre l’entrepreneur et son sous-traitant
Le 6 juillet 2023, la Cour de cassation s’est prononcée sur le devoir pour le maître d’ouvrage de vérifier la souscription de la garantie de paiement au profit du sous-traitant.
En l’espèce, après avoir fait l’objet d’une procédure collective, le sous-traitant n’a pas mis en œuvre la garantie de paiement dont il bénéficiait, à savoir un cautionnement et invoque la nullité des contrats de sous-traitance en assignant le maître d’ouvrage et l’entrepreneur en paiement des travaux exécutés.
Le sous-traitant soutenait que le maître d’ouvrage avait, parmi ses obligations, le devoir de vérifier la délivrance effective et en temps utile du cautionnement.
La Haute juridiction juge que le maître d’ouvrage répond aux obligations prévues par l’article 14-1 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 lorsqu’il s’assure de la délivrance d’une caution au bénéfice du sous-traitant quand bien même ce dernier décide de poursuivre la nullité du contrat au motif que la caution n’a pas été obtenue.
Elle rappelle ainsi que le maître d’ouvrage doit simplement vérifier la bonne souscription de la garantie de paiement du cautionnement auprès de l’entrepreneur principal.
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Veille juridique opérations immobilières – mai-juin-juillet 2023