VEILLE JURIDIQUE OPERATIONS IMMOBILIERES – AOUT 2022

FISCALITE

La taxation de l’indemnité provisionnelle d’expropriation doit intervenir au titre de l’exercice en cours à la date du jugement

Dans un arrêt rendu le 3 juin 2022, le Conseil d’État s’est prononcé sur l’exercice fiscal de rattachement de l’indemnité d’expropriation accordée à titre provisionnel par le juge de l’expropriation dans le cadre de la procédure d’urgence prévue à l’article L 232-1 du Code de l’expropriation.

Le Conseil d’État juge ainsi que le caractère provisionnel de cette indemnité est sans incidence sur le fait qu’il s’agit d’une créance acquise pour un montant déterminé à la date du jugement en ordonnant le paiement.

Par conséquent, une telle indemnité est imposable au titre de l’exercice en cours à la date du jugement.


Pacte Dutreil : l’activité opérationnelle doit être maintenue jusqu’au terme des engagements individuels

L’article 8 de la loi de finances rectificative pour 2022 vient préciser que la condition d’exercice d’une activité opérationnelle par la société transmise doit être remplie dès la conclusion de l’engagement collectif de conservation et ce, jusqu’à la fin de l’engagement individuel afin d’éviter les abus.

Cet article a pour objectif de contrer la décision rendue par la Cour de cassation le 25 mai 2022 n°19-25.513. Cette dernière est venue infirmer la doctrine administrative qui imposait la condition d’exercice tout au long des engagements successifs. La Cour de cassation a en effet considéré qu’à défaut de précision législative, la condition d’exercice ne s’appréciait qu’à la seule date du fait générateur de l’imposition.

Cet article est entré en vigueur le 18 juillet 2022. Celui-ci s’applique également pour toutes les transmissions pour lesquelles les engagements de conservation seraient encore en cours et dont les sociétés n’auraient pas cessé leur activité opérationnelle.


La défiscalisation comme qualité essentielle du contrat de vente

La Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans une décision du 22 juin 2022, précise que la défiscalisation escomptée par les acheteurs peut être une qualité substantielle au contrat pouvant entraîner sa nullité. 

En l’espèce, un couple a acquis des quirats d’un navire afin de bénéficier d’un avantage fiscal.

Cependant, l’administration fiscale a refusé de leur octroyer la réduction d’impôt dont ils entendaient bénéficier, le bien ne remplissant pas les conditions d’éligibilité.

Les juges se fondent sur le fait que « l’erreur qui tombe sur la substance même de la chose qui est l’objet de la convention est une cause de nullité de celle-ci ». Ainsi, et contrairement aux jurisprudences antérieures, la défiscalisation peut être considérée comme une qualité substantielle et provoquer la nullité du contrat si l’objectif n’a pas été atteint.


Majoration du prix d’acquisition : les factures travaux doivent être adressées à la SCI propriétaire et non à son associé

La CAA de Nantes a été amenée à préciser que, dans le cadre du calcul d’une plus-value immobilière, les factures réglées par l’un des associés de la SCI ne pouvaient être prises en compte (CAA Nantes, 03/06/2022, n°20NT01369)

L’administration remet en cause la majoration du prix d’acquisition liée à la réalisation des travaux au motif que les factures étaient établies au nom de l’associé et non de la SCI, d’une part, et que rien n’indiquait qu’il avait effectivement été remboursé des sommes par la SCI.

L’administration relève également que rien ne permet d’apprécier la nature des travaux et leur réalité, ni même la réalité du règlement de ces derniers par l’associé. 

La CAA de Nantes confirme la position de l’administration fiscale ainsi que le jugement de première instance et refuse, pour le cadre du calcul de la plus-value immobilière, de tenir compte du montant des dépenses indiquées sur les factures adressées à l’associé.


Immeuble neuf au sens de la TVA : le dépôt de la déclaration d’achèvement des travaux ne constitue pas systématiquement le point de départ du délai de 5 ans

Le Conseil d’État a, dans une décision d’avril 2022 (CE, 14/04/2022, n°457246), considéré qu’il est possible de retenir une date autre que celle du dépôt en mairie de la déclaration d’achèvement des travaux (DAACT), afin d’apprécier le point de départ du délai de 5 ans à compter duquel un immeuble n’est plus considéré comme neuf au sens de la TVA.

Ainsi, le Conseil d’État fait prévaloir la date d’achèvement indiquée sur la DAACT sur la date de dépôt du formulaire en mairie pour constituer le point de départ du délai de 5 ans.


URBANISME


La renonciation d’une commune à acquérir après avoir exercé son droit de préemption peut engager sa responsabilité sans faute

Le Conseil d’État retient la responsabilité sans faute de la commune au motif qu’en raison de sa renonciation à acquérir, après avoir exercé son droit de préemption, le vendeur a subi « un préjudice grave qui a revêtu un caractère spécial et doit être regardé comme excédant les aléas ou sujétions que doivent normalement supporter des vendeurs de terrains » (CE 13 juin 2022, Sté Immotour, n°437160).


Le défaut d’autorisation d’urbanisme constitue un manquement à l’obligation de délivrance du bailleur commercial

La Cour de cassation estime que le défaut de permis de construire d’un local commercial,  « source de troubles d’exploitation consistant en des difficultés pour assurer les lieux, de fortes restrictions quant aux capacités de développement (du) commerce ainsi qu’en une limitation drastique de la capacité du preneur à vendre son fonds du fait du risque de perte du local d’exploitation en cas d’injonction administrative de démolir », constitue un manquement à l’obligation de délivrance du bailleur dès lors que le permis ne peut être régularisé  (Cass. 3e civ. 1 juin 2022, Sté La Vénitienne c/ C, n°21-11.602).


CONSTRUCTION


L’action en garantie des vices cachés n’est pas ouverte au maître de l’ouvrage contre l’entrepreneur

Dans un arrêt en date du 29 juin 2022, la Chambre commerciale de la Cour de cassation est venue censurer une cour d’appel ayant admis l’action du maître de l’ouvrage contre un entrepreneur sur le fondement de la garantie des vices cachés concernant du matériel électronique défectueux, préalablement acheté à un fabricant.

La Cour de cassation refuse ainsi de faire une lecture extensive de l’article 1641 du Code Civil, celui-ci ne s’appliquant pas au contrat d’entreprise / louage d’ouvrage.

Le maître de l’ouvrage aurait dû agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun contre l’entrepreneur. Ce dernier aurait ainsi pu agir contre le fabricant en invoquant la garantie des vices cachés, à compter de la date de l’assignation délivrée contre lui.


La garantie de l’assureur dommages-ouvrage n’est pas due s’il perd son recours subrogatoire du fait de l’assuré

Selon une décision de la Cour de cassation, du 25 mai 2022 n°21-18-518 FSB, Sté Mutuelle des architectes français, l’assureur dommages-ouvrage n’est pas tenu à garantie s’il est privé de son recours subrogatoire contre les responsables, du fait de l’assuré.

Un maître d’ouvrage déclare, après réception, à son assureur dommages-ouvrages, un sinistre pendant la période décennale mais se heurte à un refus de garantie. Il assigne l’assureur en référé-expertise après expiration du délai de dix ans et obtient une indemnité. L’assureur oppose une exception de subrogation mais la cour d’appel retient que l’inaction de l’assureur lui a fait perdre son recours subrogatoire.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, estimant que c’est le maître de l’ouvrage qui a fait perdre à l’assureur le bénéfice de la subrogation, l’assureur qui refuse sa garantie ne pouvant pas agir à titre subrogatoire avant d’avoir été lui-même poursuivi.  Le maître de l’ouvrage devait assigner en garantie son assureur ou les responsables dans le délai de dix ans.


IMMOBILIER


Prolongation et adaptation du dispositif d’encadrement de l’évolution des loyers d’habitation

Le décret n°2022-1079 du 29 juillet 2022 est venu reconduire pour une durée d’un an le décret du 27 juillet 2017 relatif à l’évolution des loyers des baux d’habitation et aux conditions d’application de l’encadrement des loyers, soit jusqu’au 31 juillet 2023.

Pour rappel, dès lors qu’un logement vacant fait l’objet d’une nouvelle location, le loyer du nouveau contrat de location ne peut excéder le dernier loyer appliqué au précédent locataire, sauf, sous conditions, en cas de réalisation de travaux ou de loyer manifestement sous-évalué.

Les dispositions issues de la loi Climat et résilience du 22 août 2021 qui interdisent toute hausse de loyer pour les logements de classe F ou G sont intégrées.

Ce critère remplace ainsi les critères de performance énergétique minimale qui conditionnaient jusque-là l’augmentation du loyer.


Vendeur professionnel : la garantie des vices cachés reste due même en cas de clause exonératoire

Le vendeur professionnel ne peut se prévaloir d’une clause exonératoire de garantie des vices cachés dès lors qu’il a connaissance de ces derniers.

En effet, la Cour de cassation, dans un arrêt de la 3e chambre civile du 15 juin 2022 FS-D n°21-21.143, rappelle que la mauvaise foi du vendeur professionnel ne lui permet pas de déroger à la garantie légale des vices cachés par le biais d’une clause standard de non-garantie.

En l’espèce, la mauvaise foi présumée du vendeur, qui ne pouvait ignorer les vices dont le bien était affecté, du fait de l’ampleur des travaux réalisés par ses soins, rend par conséquent l’article 1643 du Code civil inapplicable.


Le débiteur peut être contraint de vendre son domicile en cas de surendettement

Dans le cadre d’une procédure de surendettement, le juge peut, dans certains cas, contraindre le débiteur surendetté à céder sa résidence principale.

Cette solution, rappelée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation était déjà prévue par le Code de la consommation. En effet, son article L 733-7 subordonne les mesures de redressement à l’accomplissement par le débiteur d’actes destinés à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

En l’espèce, le domicile des débiteurs était estimé à une valeur supérieure à celle de leur endettement. Il a ainsi été jugé à bon droit que les débiteurs ne pouvaient s’opposer à la vente de l’immeuble «dont le prix permettra de rembourser rapidement l’intégralité de leurs créanciers et que, compte tenu de la valeur élevée du bien et du montant des créances, il subsistera un solde revenant aux débiteurs qui leur permettra de se reloger ».

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Veille juridique opérations immobilières – Août 2022

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