Veilles

VEILLE JURIDIQUE OPERATIONS IMMOBILIERES – DECEMBRE 2023

FISCALITE


Exonération de la plus-value immobilière : la location temporaire d’un bien immobilier revêtant un caractère « négligeable » ne remet pas en cause l’exonération 

En l’espèce, un contribuable était propriétaire d’un logement qu’il a loué à un tiers et qu’il a cédé quelques semaines plus tard. Or, à l’issue d’un examen de sa situation fiscale personnelle par l’administration fiscale, cette dernière a remis en cause l’exonération de la plus-value résultant de la cession immobilière dont le contribuable avait entendu bénéficier en sa qualité de non-résident.  

A cet effet, la Cour administrative d’appel de Paris, dans son arrêt du 1er juin 2022, a jugé que la location du logement, intervenue quelques semaines avant la cession, prive le requérant du bénéfice de l’exonération de la plus-value, celui-ci ne remplissant pas la condition tenant au bénéfice de la libre disposition de son bien depuis le 1er janvier au moins de l’année précédente. Les juges du fond ont précisé que le caractère temporaire de la location n’avait pas d’incidence sur l’appréciation de ladite condition. 

Saisi de l’affaire, le Conseil d’État, dans un arrêt du 29 novembre 2023, casse l’arrêt rendu en appel au visa de l’article 150 U II 2° du code général des impôts. Il estime que la Cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en écartant, comme dépourvu d’incidence, le caractère temporaire de la location, sans pour autant rechercher si cette occupation par des tiers pouvait être regardée comme revêtant un caractère négligeable et par suite, permettre au contribuable de conserver la libre disposition du bien.  

En statuant ainsi, le Conseil d’Etat considère que la location temporaire d’un bien immobilier, lorsqu’elle revêt un caractère “négligeable eu égard à sa durée, sa fréquence et aux autres conditions dans lesquelles elle intervient” ne remet pas en cause l’exonération de la plus-value immobilière

Clémence Lamugnière


La prorogation du dispositif Denormandie jusqu’en 2026

Le 26 novembre 2023, le Sénat avait adopté un amendement sur le Projet de loi de finances pour 2024 à propos de la prorogation du dispositif Denormandie.  

Pour rappel, ce dispositif permet aux particuliers de bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu, lorsqu’ils effectuent des travaux d’amélioration sur un logement ancien, ou des travaux de transformation d’un local en logement. Celui-ci doit se trouver dans certaines zones et être destiné à la location.   

Faisant l’objet de prorogations annuelles depuis sa création en 2019, le projet de loi de finances pour 2024 prévoyait encore une prorogation d’un an du dispositif, soit pour les investissements réalisés jusqu’au 31 décembre 2024. Cependant, le Sénat a adopté un amendement en vue de sa prorogation pour 3 ans, soit jusqu’au 31 décembre 2026.   

C’est finalement ce qui a été décidé par le gouvernement dans le cadre de la loi de finances pour 2024 : le dispositif est donc prorogé jusqu’au 31 décembre 2026.  

Par ailleurs, la loi de finances pour 2024 aligne le taux de réduction d’impôt au titre de la souscription de parts de Sociétés civiles de placement immobilier, sur celui applicable aux contribuables qui acquièrent directement un logement.  

Clémence Lamugnière


Actualisation du calcul de l’IFI par la loi de finances pour 2024

La loi de finances pour 2024 a apporté des modifications en matière d’Impôt sur la Fortune Immobilière. Ainsi, les dettes à exclure pour le calcul de la valeur imposable de titres de société comprendront désormais celles contractées directement ou indirectement par la société et qui se rapportent à un actif non-imposable, mettant fin aux stratégies consistant à « charger » ces sociétés de dettes dont l’objet se rapportait notamment à des actifs mobiliers (art. 3 duovicies du PLF).

Pour plus d’informations concernant les apports de la loi de finances pour 2024, consultez ici notre bulletin.

Cédric Vermuse


IMMOBILIER


La garantie des vices cachés : unique fondement de l’action exercée pour non-conformité à l’usage normal de la chose vendue

Une promesse unilatérale de vente a été conclue portant sur une maison d’habitation et prévoyant une indemnité d’immobilisation en cas de non-réalisation de la vente.  

À la suite d’une inondation survenue au sous-sol de l’immeuble, les bénéficiaires ont refusé de réaliser la vente. Les promettants les ont alors assignés en paiement de l’indemnité d’immobilisation.  

La Cour d’appel de Paris a prononcé la résolution de la promesse en raison du non-respect de l’obligation de délivrance conforme au motif qu’il était établi que le bien ne présentait pas les qualités permettant de rendre les pièces habitables dans les conditions normales.  

La Cour de cassation, dans une décision du 19 octobre 2023, casse et annule l’arrêt pris par la Cour d’appel, considérant que la garantie des vices cachés constitue l’unique fondement de l’action exercée pour défaut de la chose vendue, la rendant impropre à sa destination normale.  Les parties ont donc été renvoyées devant la Cour d’appel de Paris.  

Danièla Taimmont


La nécessité d’une procédure contradictoire lors de l’état des lieux pour conserver le dépôt de garantie

Un propriétaire qui n’a pas procédé à un état des lieux de sortie contradictoire, n’a pas restitué la totalité du dépôt de garantie à ses locataires en raison de désordres locatifs. Les locataires contestent la régularité de cette mesure et saisissent le tribunal en restitution dudit dépôt.  

Le tribunal, (dans une décision de dernier ressort), condamne le propriétaire à restituer la somme prélevée en raison du caractère global de la facture qui ne permettait pas d’évaluer le coût exact des réparations. Le bailleur se pourvoit en cassation.   

La Cour de cassation, dans un arrêt du 16 novembre 2023, affirme qu’un état des lieux de sortie établi unilatéralement par le bailleur, sans recours à un commissaire de justice, et dont le défaut de contradiction est dû à sa carence, ne peut faire la preuve de dégradations imputables aux locataires. 

Danièla Taimmont


L’examen de la proposition de loi visant à réguler les meublés de tourisme est reporté début 2024

Le premier examen de la proposition de loi visant à réguler les meublés de tourisme a commencé le 6 décembre 2023 au sein de l’hémicycle après son adoption en commission des affaires économiques le 28 novembre 2023.  

Face aux désaccords des députés, l’examen du texte n’a pas pu aboutir et devrait reprendre début d’année 2024.  

Pour rappel, cette proposition de loi prévoit notamment :  

  • L’obligation de réaliser un DPE pour la mise en location d’un meublé de tourisme ;  
  • L’élargissement des pouvoirs des élus pour réglementer l’implantation des locaux à usage touristique en étendant le régime de changement d’usage à l’ensemble des zones tendues (actuellement le changement d’usage ne concerne que les communes de plus de 200 000 habitants) ;  
  • La réorganisation du traitement fiscal des meublés de tourisme. En zone tendue, l’objectif est d’abaisser le taux d’abattement à 50% et un plafonnement de chiffre d’affaires de 30 000 € pour les biens classés et 30% et un plafonnement de 15 000€ pour les biens non classés.  

Concernant ce dernier point, il convient de préciser que les modalités d’imposition des meublés de tourisme ont été réformées dans le cadre de la loi de finances pour 2024.  

Cette réforme maintenue « par erreur » devrait faire l’objet de modifications. Pour plus d’informations à ce sujet, nous vous renvoyons vers le bulletin Loi de Finances pour 2024 : que reste-t-il à l’issue des différents “49.3 rédigé par notre département ORI. 

Léa Baquier


Réforme à venir du prêt à taux zéro (PTZ) : l’assouplissement des conditions d’éligibilité au profit de 6 millions de ménages supplémentaires

Par un communiqué de presse en date du 18 octobre 2023, le ministre de l’Économie, Monsieur Bruno Lemaire, a annoncé une prolongation du prêt à taux zéro jusqu’en 2027, ainsi qu’une refonte de ce dispositif dès janvier 2024. L’objectif poursuivi par le Gouvernement consiste en l’assouplissement des conditions d’accès au PTZ, afin d’en faire bénéficier davantage de foyers.  

Les changements attendus consistent en :  

  • Le reclassement de 209 communes qui seront désormais considérées comme des zones tendues et ainsi mieux aidées par le prêt ; 
  • Le rehaussement substantiel de certains plafonds de revenus prévu pour l’éligibilité au dispositif. Ces augmentations seraient comprises entre 7 % à 30 % selon les zones, s’agissant des deux premières tranches de revenus ; 
  • La création d’une quatrième tranche de revenus pour les ménages dont les ressources sont comprises entre 37 000 et 49 000 € par an. Ces ménages disposeront d’un financement à taux zéro à hauteur de 20 % du prix du bien ; 
  • L’augmentation de la quotité maximale associée au PTZ qui passe de 40 % à 50 %. Cela permettra ainsi de financer jusqu’à 50 % du coût total du bien immobilier ; 
  • L’augmentation de l’aide de l’État pour les locataires de logement social qui bénéficieront d’un PTZ à hauteur de 20 % (contre 10 % actuellement) ; 
  • L’exclusion des maisons individuelles neuves du dispositif. 

Le Gouvernement estime que l’application de ces mesures dès janvier 2024 rendrait 29 millions de foyers éligibles au prêt à taux zéro (contre 23 millions actuellement).  

Clémence Lamugnière


Absence de faute de l’acquéreur en cas de demande de prêt non conforme au compromis

Une promesse synallagmatique de vente portant sur un bien immobilier est conclue sous la condition suspensive d’obtention d’un prêt répondant à certaines caractéristiques. Une clause pénale est prévue pour le cas où l’une des parties ne réitèrerait pas par acte authentique, malgré la réalisation des conditions. 

Après avoir réalisé une demande de prêt non conforme aux conditions prévues dans le compromis, les acquéreurs ne se sont pas présentés à la réitération. Les vendeurs les assignent en réalisation de la clause pénale. 

La Cour de cassation, saisie par les acquéreurs condamnés à verser la clause pénale, rappelle le principe de l’article 1304-3 du code civil selon lequel “La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement.”.  Toutefois, de jurisprudence constante, le débiteur qui n’aurait pas rempli ses obligations, ne saurait être considéré comme fautif, s’il démontre, qu’en tout état de cause, la condition ne pouvait pas se réaliser pour des motifs indépendants de sa volonté. 

La Cour de cassation retient donc que la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations quant à l’absence de faute des acquéreurs dans leur demande de prêt et rappelle qu’un accord de principe ne permet pas de considérer le prêt comme obtenu pour la réalisation de la condition suspensive. 

Angélique Lefrançois


L’appréciation au cas par cas du devoir de conseil du maître d’oeuvre

Un maître d’ouvrage fait réaliser des surfaces commerciales. A la suite de la réception des travaux et constatant une non-conformité de la hauteur sous plafond des constructions, il assigne le maître d’œuvre aux fins d’indemnisation. 

La Cour d’appel de Bordeaux ne donne pas droit aux demandes du maître de l’ouvrage au motif que la non-conformité concernant la hauteur sous-plafond était connue par celui-ci avant la réception des travaux puisqu’elle avait fait l’objet d’un accord de compensation de cette erreur avec le maître d’œuvre. 

La Cour de cassation le 23 novembre 2023 entérine l’arrêt des juges d’appel et rejette le pourvoi du maître d’ouvrage.  

En conclusion, même si le maître d’œuvre est tenu d’assister et de conseiller le maître de l’ouvrage lors de la réception, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir alerté le maître de l’ouvrage sur des faits dont il avait connaissance. Le devoir d’information est donc à apprécier au cas par cas et n’est pas systématique.  

Laurine Chaponnay


Devoir d’efficacité et de diligence du syndic dans le suivi des travaux

Dans un arrêt du 16 novembre 2023, la Cour de cassation a rappelé que le syndic est tenu d’un devoir d’efficacité et de diligence dans le suivi des travaux.  

En l’espèce, un syndicat des copropriétaires a confié la réalisation de divers travaux dans l’immeuble à une entreprise qui abandonne le chantier avant d’être placée en liquidation judiciaire. 

Après une expertise judiciaire, le syndicat des copropriétaires a assigné le syndic en responsabilité contractuelle.  

La cour d’appel d’Aix-en-Provence a rejeté la demande au motif que le syndicat des copropriétaires ne démontrait pas que le syndic avait manqué à son devoir de conseil en n’attirant pas l’attention des copropriétaires sur la nécessité de faire appel à un professionnel au regard de l’importance du chantier et qu’il n’établissait pas non plus que le syndic avait signé le marché de travaux sans précaution.  

La Cour de cassation censure l’arrêt au motif que le juge, pour écarter la responsabilité du syndic, aurait dû constater que ce dernier avait accompli toutes les diligences lui incombant dans la gestion des travaux. 

Anna Dauba


L’application du dispositif d’encadrement des loyers au territoire de Grenoble-Alpes-Métropole

La loi ELAN du 23 novembre 2018 a instauré un dispositif expérimental d’encadrement des loyers jusqu’en 2026 applicable aux zones où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements.  

Le décret n°2013-1046 du 16 novembre 2023, a étendu ce dispositif au territoire de Grenoble-Alpes-Métropole. Ainsi, l’encadrement des loyers sera applicable sur la totalité du territoire des 13 communes suivantes : Le Fontanil-Cornillon, La Tronche, Meylan, Domène, Murianette, Venon, Gières, Seyssins, Eybens, Poisat, Bresson, Claix, Varces-Allières-et-Riset ; et sur une partie du territoire des 8 communes suivantes : Saint-Egrève, Sassenage, Fontaine, Grenoble, Saint-Martin-d’Hères, Seyssinet-Pariset, Echirolles, Le Pont-de-Claix. 

Un arrêté préfectoral déterminant les plafonds de loyers est attendu dans le courant de l’année 2024. 

Anna Dauba


Bail à construction en cours : Absence d’application de la clause de nivellement en cas d’expropriation

Une commune a exercé son droit de préemption sur deux terrains loués, sur lesquels les preneurs ont édifié des constructions aux termes d’un bail à construction. Elle entend réaliser des travaux d’aménagement qui nécessitent l’expropriation des locataires. Celle-ci sollicite alors du juge la fixation de l’indemnité d’éviction.  

La Cour d’appel fixe cette indemnité, à laquelle elle ajoute une somme au titre de la perte des constructions édifiées. La commune conteste la décision au motif qu’il existe une clause de nivellement, prévoyant qu’en fin de bail, le preneur s’engage à rendre le terrain libre de toutes constructions, ce qui rend impossible l’octroi d’une somme au titre de sa perte.  

Cependant, la Cour de cassation, dans un arrêt du 23 novembre 2023, confirme l’arrêt d’appel, en considérant que la clause de nivellement a vocation à s’appliquer en fin de bail.  

Le bail ayant été rompu prématurément du fait de l’expropriation pour travaux, les preneurs étaient bien, à la date de l’éviction, propriétaires des constructions, et avaient donc droit à être indemnisés pour la perte en résultant.  

La Cour rappelle ici une solution déjà affirmée dans un arrêt Cass. 3ème civ. 5.1.2012 n°10-26.965, dans lequel elle avait considéré que la fin anticipée d’un bail due à l’expropriation de particuliers ayant construit une habitation sur le terrain loué ne les prive pas de leur droit à être indemnisés pour cette perte.  

Mathilde Lecocq


CONSTRUCTION


Prescription de l’action récursoire du constructeur contre un autre constructeur

Par un arrêt en date du 23 novembre 2023, les juges de la Cour de cassation ont été saisis d’un litige concernant les règles applicables au recours dit récursoire entre opérateurs du bâtiment, lorsqu’un maître d’ouvrage est victime de désordre. 

Pour mémoire, l’article 2224 du Code civil dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer ». Cet article s’applique également à l’action récursoire d’un constructeur contre un autre constructeur. 

La Cour confirme donc sa jurisprudence récente (Cf. : Cass. Civ. 3,14 décembre 2022, n°21-21.305) : le constructeur visé par une demande en justice de réparation de préjudice de la part de la victime doit engager ses actions récursoires contre les autres constructeurs et sous-traitants dans un délai de cinq ans à compter de la demande en réparation initiale. 

Constantin Dufour

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Veille juridique opérations immobilières – Décembre 2023

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