Veilles

VEILLE JURIDIQUE OPERATIONS IMMOBILIERES – AVRIL 2024

FISCALITE


Les évolutions de l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ)

Un décret relatif à l’évolution de l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) a été publié au Journal Officiel le 31 mars 2024 afin de donner suite à la loi de finances pour 2024 qui a permis de prolonger le dispositif jusqu’au 31 décembre 2027, donnant ainsi un coup de pouce à la restauration de l’immobilier ancien.

Pour rappel, l’éco-PTZ est un prêt sans intérêt d’emprunt dont peuvent bénéficier les propriétaires qui réalisent des travaux d’amélioration de la performance énergétique de leur bien. Ce prêt est attribué sans condition de ressources.

Le décret pris modifie les méthodes de calcul du crédit d’impôt de l’éco-PTZ collectif et revalorise les plafonds de financement. Il permet aux bénéficiaires d’emprunter jusqu’à 50 000 € sans taux d’intérêt pour financer des travaux de rénovation énergétique, contre 30 000 € au maximum jusqu’alors, à condition toutefois que les travaux projetés soient également éligibles au dispositif MaPrimeRénov’.

Le décret étend également la distribution de l’éco-PTZ, jusqu’alors réservés aux banques ayant signé une convention avec l’État, aux sociétés de tiers-financement. Ces entités portées par les collectivités locales ont pour but d’accompagner les particuliers dans la réalisation des travaux. De cette manière, le Gouvernement permet au secteur bancaire ainsi qu’aux collectivités de devenir de plus grands acteurs dans les politiques de transition écologique du secteur résidentiel privé.

L’usage du dispositif éco-PTZ ne fait que de s’accroître depuis le lancement du dispositif en 2009, avec plus de 105 000 projets financés par ce biais en 2023.

Danaé Poisbeau


Prorogation du dispositif Denormandie et extension du champ d’application

L’article 42 de la loi n°2024-322 du 9 avril 2024 visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement vient modifier l’article 199 novovicies du Code général des impôts relatif au dispositif Denormandie.

Cette loi vient proroger le dispositif aux logements acquis jusqu’au 31 décembre 2027, qui font l’objet de travaux d’amélioration ou de transformation en logement.

Elle vient également élargir le champ d’application du dispositif aux logements situés :

  • dans des copropriétés en difficulté ;
  • dans des copropriétés incluses dans le périmètre d’une opération de requalification des copropriétés dégradées.

Un bulletin sera prochainement publié à ce sujet.

Océane Nau


IMMOBILIER


Les mesures prises pour la lutte contre l’habitat dégradé par la loi n° 2024-322 du 9 avril 2024

Le 9 avril 2024, a été publiée la loi visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagements.

Pour lutter contre l’habitat dégradé, cette loi a pour objectif d’intervenir en amont d’une dégradation définitive. Elle prévoit notamment :

  • L’extension des travaux éligibles à une opération de restauration immobilière : Consistent désormais également en une opération de restauration immobilière les travaux “de rénovation, y compris énergétique lorsqu’elle conduit à une amélioration de la performance énergétique du logement ou du ou des immeubles concernés, de réhabilitation ou de démolition ayant pour objet ou pour effet de garantir la salubrité, l’intégrité ou l’habitabilité d’un ou de plusieurs immeubles” (article L. 313-4 du Code de l’urbanisme) ;
  • La modification de l’ordonnance du 1er juillet 2004 afin d’instaurer l’emprunt bancaire collectif pour les associations syndicales libres : Pourront ainsi notamment être financés par ce biais des travaux portant sur les parties communes ou des travaux d’intérêt collectif sur des parties privatives. Un décret d’application sera ultérieurement publié ;
  • Le droit de visite que le maire peut accorder dans le cadre du dispositif “permis de louer” (article L. 635-3 du Code de la construction et de l’habitation) ;
  • De nouvelles mentions dans le registre d’immatriculation des copropriétés telles que la situation financière de la copropriété et les caractéristiques techniques de l’immeuble prévues dans les diagnostics obligatoires (article L. 711-2 du Code de la construction et de l’habitation) ;
  • La mise en place d’un diagnostic structurel de l’immeuble en permettant aux communes de définir des secteurs au sein desquels les bâtiments devront faire l’objet d’une étude portant sur la solidité de l’immeuble (article L. 126-6-1 du Code de la construction et de l’habitation) ;
  • La possibilité pour chaque copropriétaire de faire réaliser à ses frais des travaux d’isolation thermique de la toiture ou du plancher qui affecteraient les parties communes de l’immeuble dans le cadre du plan pluriannuel de travaux (article 25-1-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis).

Mise à jour des indices de révision des loyers commerciaux et professionnels

Dans des communiqués du 29 mars 2024, l’INSEE a publié les nouveaux indices de révision des loyers au quatrième trimestre 2023. On y constate sans surprise une augmentation de plus de 5 % en moyenne.

Pour mémoire, ces indices permettent de recalculer les loyers perçus au titre d’un bail commercial ou professionnel.

Au quatrième trimestre 2023, ces indices s’établissent comme suit :

– L’Indice des loyers commerciaux (ILC) a augmenté de 5,22 % sur un an. Toutefois, par une loi du 7 juillet 2023, le plafonnement prévu à l’article 14 de la loi du 16 aout 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a été maintenu à 3,5 % de variation annuelle jusqu’au premier trimestre 2024 pour les PME ;

– L’Indice des loyers tertiaires (ILAT) a également augmenté de 5,55 % en une année ;

– L’Indice du coût de la construction (ICC) a quant à lui augmenté de 5,36 % en un an et de 2,66 % sur un trimestre alors qu’il était en faible diminution au trimestre dernier.

La prochaine mise à jour de ces indices aura lieu à la fin du mois de juin 2024.

Danaé Poisbeau


Copropriété : le quitus donné au syndic n’empêche pas le copropriétaire, ayant voté en faveur de cette décision, d’agir sur le terrain de la responsabilité délictuelle

En matière de copropriété, le quitus désigne l’acte par lequel le syndicat des copropriétaires (le mandataire) reconnait que le syndic (son mandant) a géré de manière régulière le mandat qui lui a été confié (c’est-à-dire qu’il a géré correctement la copropriété). En accordant le quitus, le syndic est ainsi dégagé de toute responsabilité dans sa gestion.

Par un arrêt du 29 février 2024, le Conseil d’Etat vient préciser les conséquences de ce quitus donné au syndic sur le terrain de la responsabilité délictuelle.

En l’espèce, un immeuble présentant de graves désordres de structures imposant son étaiement a fait l’objet d’un arrêté de péril imminent. Par la suite, un copropriétaire a assigné le syndic en indemnisation des préjudices financiers et de jouissance subis jusqu’à l’exécution des travaux de réparation.

Dans cette affaire, le syndic estime que le quitus donné par l’assemblée générale des copropriétaires de la gestion du syndic interdit aux copropriétaires ayant voté en faveur du quitus de rechercher la responsabilité du syndic à raison des faits ou actes portés à leur connaissance lors du vote.

La Cour de cassation rejette néanmoins ces arguments : malgré le quitus donné au syndic par l’assemblée générale, un copropriétaire peut rechercher la responsabilité délictuelle du syndic pour obtenir réparation d’un préjudice personnel né de sa faute et ce, même s’il a voté en faveur de cette décision.

La responsabilité du syndic a d’ailleurs été retenue en l’espèce en raison du fait qu’il avait été informé de l’urgence à remédier aux travaux et du délai conséquent à soumettre le vote des travaux à l’assemblée générale.

Clémence Lamugnière


Non-respect des règles de quorum : nullité de la résolution approuvant la mise en conformité des statuts de l’ASL

Une Association syndicale libre (ASL) assigne un membre débiteur en paiement de ses charges. Ce dernier conteste la capacité à agir de l’ASL au motif que la résolution ayant pour objet la mise en conformité des statuts avec l’ordonnance du 1er juillet 2004 n’avait pas été approuvée selon les conditions de quorum fixées par les statuts.

Pour rappel, l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 a imposé aux ASL la mise en conformité de leurs statuts avec ses dispositions dans les deux ans qui suivaient la publication du décret d’application du 3 mai 2006. En l’absence de mise en conformité, l’ASL perdait sa capacité à agir en justice (Civ. 3e, 5 juillet 2011, n° 10-15-374).

La loi ALUR du 24 mars 2014 est venue modifier cette ordonnance en permettant une mise en conformité postérieure à la date fixée. La jurisprudence a considéré que la régularisation était par ailleurs possible en cours d’instance (Civ. 3e, 5 novembre 2014, n° 13-21.014).

En l’espèce, la Cour d’appel rejette la demande du requérant et juge recevable l’action en recouvrement des charges. Elle retient que la mise en conformité étant une obligation légale, l’absence de quorum est sans incidence sur la validité de la résolution.

La Cour de cassation, dans un arrêt en date du 25 avril 2024, casse l’arrêt rendu et renvoi l’affaire. Elle juge la résolution prise en assemblée générale nulle, les règles relatives aux modalités de vote fixées par les statuts n’ayant pas été respectées.

Camille Ollivier


CONSTRUCTION


Revirement jurisprudentiel en matière de garantie décennale en cas de désordre causé par un équipement installé sur un ouvrage existant

Un incendie survient dans une maison où vient d’être installé un insert de cheminée, occasionnant la destruction du bâtiment. Estimant que ce sinistre est imputable à la pose de l’insert, les propriétaires assignent la société d’installation et son assureur aux fins d’indemnisation.

Avant de se prononcer sur l’affaire, la Cour de cassation rappelle qu’elle juge depuis 2017 que « les désordres affectant des éléments d’équipements dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination » (3e Civ., 15 juin 2017, pourvoi n° 16-19.640, Bull. 2017).

Si, en l’espèce, la Cour d’appel avait naturellement retenu la responsabilité décennale de l’installateur de l’équipement et de son assureur, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence dans un arrêt en date du 21 mars 2024.

Elle précise au préalable que cette jurisprudence, constante depuis 2017, visait d’une part à simplifier les règles applicables en matière d’assurance décennale et d’autre part à assurer une meilleure protection aux maîtres d’ouvrage.

Ces objectifs n’ayant pas été atteints, la Cour de cassation indique clairement revenir sur sa position. Ainsi, elle considère désormais que « si les éléments d’équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l’assurance obligatoire des constructeurs ».

Elle ajoute que ce revirement s’applique à l’instance en cours dès lors qu’elle ne porte pas d’atteinte disproportionnée à la sécurité juridique ni au droit d’accès au juge.

Laurine Chaponnay

 


URBANISME


L’impossibilité de régulariser une autorisation d’urbanisme obtenue de manière frauduleuse

Par un arrêt du 11 mars 2024, le Conseil d’Etat a jugé que les dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme ne sont pas applicables lorsque le permis de construire a été obtenu par fraude.

Pour plus d’informations, vous trouverez cette décision commentée sur le blog du département Droit public immobilier et énergie.

Clémence Lamugnière


Les conséquences de l’annulation d’un PLU sur une autorisation d’urbanisme préalablement délivrée

Le maire de Toulouse a délivré le 2 décembre 2019 à une société civile de construction vente un permis de construire. Postérieurement à la délivrance de ce dernier, le PLU intercommunal tenant lieu de programme local de l’habitat (PLUi-H) d’abord approuvé par délibération le 11 avril 2019, a été annulé par un arrêt devenu définitif le 15 février 2022. Un syndicat de copropriétaires a alors demandé l’annulation pour excès de pouvoir du permis de construire délivré.

Le Conseil d’Etat dans un arrêt du 5 avril 2024 rejette la demande du syndicat en rappelant les règles applicables en cas d’annulation d’un document d’urbanisme.

Le juge précise que, selon l’article L. 600-12-1 du code de l’urbanisme, l’annulation ou la déclaration d’illégalité d’un PLU n’entraîne pas l’illégalité des autorisations d’urbanisme délivrées conformément à ce document dès lors qu’elle repose sur un motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet en cause.

Peuvent donc être invoqués par un requérant :

  • Un vice de légalité externe à la seule condition qu’il ait été de nature à exercer une influence directe sur des règles d’urbanisme applicables au projet ;
  • Un vice de légalité interne sauf s’il concerne des règles qui ne sont pas applicables au projet.

Danièla Taimmont

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Veille juridique opérations immobilières – Avril 2024

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