VEILLE JURIDIQUE OPERATIONS IMMOBILIERES – JANVIER 2023
FISCALITE
Absence de compensation d’assiette lors d’un remboursement de crédit de TVA
Par une décision n° 451343 en date du 16 décembre 2022, le Conseil d’État interprète strictement l’article L 203 du LPF et fait une application littérale du texte. Il circonscrit donc la mise en œuvre de la compensation d’assiette prévue par le LPF aux hypothèses prévues par le texte, c’est-à-dire lors d’une demande de décharge ou de réduction d’imposition présentée par le contribuable. En conséquence, le juge de l’impôt ne peut faire droit à une demande de compensation présentée par l’administration sur le fondement de l’article L 203 du LFP s’il est saisi d’une demande de remboursement de crédit de TVA.
La cession de l’usufruit des parts sociales soumise au droit fixe de 125 €
En l’espèce, les associés d’une société civile immobilière (SCI) ont cédé l’usufruit temporaire des parts détenues dans cette société à une société par actions simplifiée (SAS). Cette dernière s’acquitte du droit fixe de 125 € prévu par l’article 680 du Code général des impôts (CGI). Soutenant que cet acte devait être soumis au droit d’enregistrement proportionnel de 5 % prévu par l’article 726, I, 2° du CGI, applicable aux cessions de participations des personnes morales à prépondérance immobilière.
Au visa des articles 726 du CGI et 578 du Code civil, la Cour de Cassation, en sa chambre commerciale, par décision en date du 30 novembre 2022 n°20-18.884, tout en rappelant la définition de l’usufruit, affirme de nouveau que l’usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaitre la qualité d’associé (qui appartient seulement au nu-propriétaire), de telle manière que la cession temporaire de l’usufruit ne s’assimile pas à une mutation de la propriété de ses droits sociaux.
Le Conseil constitutionnel censure certains cavaliers budgétaires de la loi de finances 2023
Le Conseil constitutionnel, à la suite de la saisine de parlementaires concernant le recours à l’article 49-3 de la Constitution pour la loi de finances 2023, écarte ces griefs, mais vient censurer d’autres articles :
- L’article 82 concernant la communication par l’autorité judiciaire à l’administration des douanes d’informations de nature à présumer qu’un contribuable a tenté de frauder ou d’échapper au recouvrement de certains droits ou taxes qu’elle aurait recueillies au cours d’une procédure judiciaire ;
- L’article 83 concernant l’autorisation de délier les agents des finances publiques du secret professionnel envers les assistants spécialisés détachés ou mis à disposition des autorités judiciaires par l’administration fiscale ;
- L’article 187 concernant la réduction du nombre des membres de la commission des infractions fiscales.
Le régime de la TVA sur marge s’applique aux cessions de terrains à bâtir sous réserve d’avoir été acquis en cette qualité
En l’espèce, un marchand de biens cède des terrains à bâtir d’un ensemble immobilier bâti indépendamment du terrain supportant la construction. Il soumet leur revente au régime de la TVA sur marge considérant qu’à la suite de leur acquisition, les terrains avaient fait l’objet de déclarations préalables de division et d’une décision de non-opposition de la part du maire.
L’administration estime qu’ils n’avaient pas été acquis en qualité de terrains à bâtir et écarte le régime de la marge.
Le Conseil d’État, par un arrêt du 11 octobre 2022, considère que le régime de la TVA sur marge ne s’applique pas à une cession de terrains à bâtir qui, au moment de leur acquisition, avait le caractère de terrain bâti, peu importe que le bien ait fait l’objet d’une division parcellaire. Il ajoute qu’il convient de rechercher si les actes de vente de ces terrains faisaient ressortir qu’ils avaient été acquis en tant que terrains à bâtir afin de bénéficier de ce régime. Cette décision confirme la notion d’identité juridique nécessaire à l’application de la TVA sur marge selon laquelle le bien cédé doit correspondre au bien acquis.
Taxe annuelle sur les bureaux en Ile-de-France : un espace de coworking est considéré comme un local commercial
Par un arrêt en date du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a affirmé que les espaces de coworking doivent être appréhendés comme des locaux commerciaux, et non des bureaux.
Pour mémoire, les locaux commerciaux sont exonérés de la taxe sur les bureaux dès lors que leur superficie est inférieure à 2 500 m2, contre 100 m2 pour les bureaux.
En tant que locaux commerciaux, les espaces de coworking d’une superficie inférieure à 2 500 m2 seront donc exonérés de la taxe sur les bureaux applicable en Ile de France.
Détermination de la valeur locative d’un bâtiment industriel remis au bailleur à l’achèvement d’un bail à construction
Dans une décision rendue le 5 décembre 2022, le Conseil d’État se prononce pour la première fois, dans le cadre de la taxe foncière sur les propriétés bâties, sur l’établissement de la valeur locative d’un bâtiment industriel ayant fait l’objet d’une remise sans indemnité au bailleur au terme d’un bail à construction.
Il précise que l’absence d’indemnité au profit du bailleur n’induit pas que les locaux aient été acquis à titre gratuit si cette remise représente la fraction en nature de la rémunération par le preneur de la prestation fournie par le bailleur.
La valeur d’origine de tels biens se détermine donc soit à l’aide du prix de revient, tel qu’inscrit au bilan de leur propriétaire, soit dans l’hypothèse d’une acquisition à titre onéreux à l’aide du prix d’acquisition intégral.
À savoir que ces valeurs, bien qu’établies en fin de bail, doivent s’estimer à la date de signature du bail.
Loi de finances 2023 : le prélèvement à la source
Les nouveautés issues de la loi de Finances pour 2023 sont peu nombreuses d’autant plus en matière de fiscalité patrimoniale. Parmi celles-ci, néanmoins, est notable l’abaissement du seuil de modulation du prélèvement à la source.
Il est possible de moduler son taux de prélèvement à la baisse, sans qu’elle ne soit excessive.
Avant la loi de finances de 2023, cette baisse était possible seulement si l’imposition estimée par le contribuable était inférieure de plus de 10% du montant prélevé sans modulation. Depuis la loi de finances, ce chiffre a été réduit à 5%.
En cas de non-respect, le contribuable encourt les pénalités prévues à l’article 1729 G, II du Code général des impôts.
Loi de finances pour 2023 : extension et hausse du taux de la taxe sur les logements vacants
Ces dernières années, plusieurs mesures ont vu le jour afin de dissuader les propriétaires de laisser leurs logements vacants. En vertu de l’article 232 du Code général des impôts, les logements vacants, c’est-à-dire non meublés et inoccupés, sont soumis à une taxe annuelle. La concernant, deux modifications sont apportées par la loi de finances 2023.
Le taux de la taxe est calculé à partir de la valeur locative de l’habitation et varie en fonction de la durée de vacance du logement. Il était de 12.5% la première année et 25% les années suivantes. Depuis le 1er janvier 2023, les taux ont augmenté passant respectivement à 17% et 34%.
Depuis 2022, la taxe devait être acquittée si le logement se situait dans une zone spécifique dite tendue. Désormais, les critères définissant ces zones ne sont plus retenus. Par exemple le critère relatif à l’appartenance à une zone d’urbanisation de plus de 50 000 habitants n’existe plus.
Pour rappel, il est possible d’être exonéré de cette taxe si un logement nécessite des travaux importants afin d’être habitable ou si ce dernier n’est pas à usage d’habitation notamment.
IMMOBILIER
Les plafonds de loyers du dispositif « Loc’Avantages » sont fixés pour l’année 2023
Le dispositif Loc’Avantages permet aux propriétaires de biens donnés en location à certaines conditions de bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu dans le cadre de la conclusion d’une convention avec l’agence nationale de l’habitat (Anah) enregistrée jusqu’au 31 décembre 2024.
Le taux de cette réduction d’impôt varie en fonction du secteur au sein duquel elle est conclue : intermédiaire dit « Loc 1 », social dit « Loc 2 » et très social dit « Loc 3 ».
Ce conventionnement de l’Anah soumet le propriétaire à un plafond de loyer mensuel hors charges par mètre carré de surface habitable, revalorisé annuellement et variant en fonction du secteur de location. Le montant des plafonds actualisés concernant les baux conclus ou renouvelés au titre de l’année 2023 figurent en annexe de l’arrêté TREL2236488A du 21 décembre 2022.
La carte des loyers : un nouvel outil pour connaître le prix de l’immobilier
Le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et l’Agence Nationale pour l’Information sur le Logement (ANIL) ont publié en décembre 2022 une « Carte des loyers » résultant d’un partenariat avec le Groupe SeLoger et Leboncoin.
Cette carte interactive permet d’accéder au prix moyen au mètre carré en distinguant les appartements et les maisons. Les loyers sont exprimés charges comprises et concernent les locations non meublées.
A titre d’exemple, le loyer moyen pour un appartement comprenant une ou deux pièces à Bordeaux est de 17,7 €/m2 contre 30,2 €/m2 à Paris.
Il est précisé que la carte sera mise à jour chaque année.
Assemblée générale de copropriété : chaque copropriétaire peut contester la régularité d’un mandat
Dans sa décision du 7 décembre 2022, la troisième chambre de la Cour de cassation vient préciser que tout copropriétaire peut contester la régularité d’un mandat donné en vue d’une assemblée générale.
Elle casse et annule l’arrêt d’appel rendu lequel rejetait la demande d’annulation du requérant au motif que seuls les copropriétaires représentés par pouvoir étaient recevables à contester un pouvoir établi lors de l’assemblée générale.
Lancement du Carnet d’Information du Logement
Créé par la loi Climat et Résilience du 22 aout 2021, le Carnet d’Information du Logement (CIL) est un document recensant les informations utiles concernant les améliorations énergétiques apportées à un logement. Il devient obligatoire à partir du 1er janvier 2023 pour les travaux de rénovation ayant un impact significatif sur ses performances énergétiques.
Le carnet devra contenir la liste des matériaux et équipements utilisés, les documents permettant d’attester de la performance énergétique du logement, ainsi que les documents attestant de la réalisation des opérations d’entretien des systèmes de chauffage.
Le document doit être transmis au nouveau propriétaire dans le cadre d’une cession.
CONSTRUCTION
Modification attendue du point de départ du délai de prescription de l’action récursoire entre constructeurs.
Dans un arrêt du 14 décembre 2022, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence concernant le point de départ du délai de prescription des recours entre constructeurs.
Une jurisprudence établie, mais critiquée, prenait la requête en expertise du maitre d’ouvrage comme point de départ du délai de prescription.
Cette jurisprudence constante a été renversée par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation, les hauts magistrats ont en effet estimé que le délai de prescription doit courir à partir du moment où le constructeur a pris connaissance des faits qui lui permettent d’exercer son recours, conformément à l’article 2224 du Code civil, soit à partir du moment où la responsabilité du constructeur a été recherchée par le maitre d’ouvrage.
Pour mémoire, le délai de prescription de l’action d’un constructeur contre un autre est de 5 ans.
URBANISME
Autorisations d’urbanisme : délai d’instruction et demande illégales de pièces complémentaires
Une société de téléphonie a déposé une déclaration préalable pour la réalisation de travaux consistant à implanter une antenne-relais. Le service instructeur de la commune lui a adressé une demande de pièce complémentaire non prévue par le Code de l’urbanisme.
La pièce a été fournie et le maire, après expiration du délai d’instruction prévu par les textes, s’est opposé à la réalisation des travaux au motif que ce projet porterait atteinte à son environnement proche
Le Conseil d’État, dans sa décision n° 454521 en date du 9 décembre 2022, opère un revirement de jurisprudence en considérant que la demande de pièce complémentaire, non exigée par la liste figurant au Code l’urbanisme, ne saurait suspendre le délai d’instruction ni interrompre le délai tacite d’acceptation. En conséquence, le maire a été enjoint de délivrer le certificat de non-opposition à la déclaration préalable déposée par la société de téléphonie.
ICPE : rappel sur l’indemnisation pour instauration de servitudes d’utilité publique
La troisième chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt en date du 14 décembre 2022 vient rappeler les termes de l’article L. 515-12 du Code de l’environnement et applique à la lettre l’article L. 515-11 du même code.
En l’espèce, une société propriétaire de parcelles, où ont été instaurées des servitudes d’utilité publiques (SUP) sur un site anciennement exploité comme fonderie (installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE)), saisit le juge de l’expropriation sur le fondement de l’article L. 515-12 du Code de l’environnement.
Elle sollicite la condamnation du dernier exploitant de la fonderie au titre de la perte de valeur vénale et du coût de la franchise locative, afin d’obtenir la réparation de son préjudice. Après avoir été déboutée de ses demandes, elle se pourvoit en cassation.
Elle s’intéresse donc à l’incidence des SUP et constate qu’à la date de référence seuls les usages possibles devaient être pris en compte dans l’évaluation d’un éventuel préjudice.
Ainsi, la Cour a considéré qu’en raison des infrastructures présentes sur les parcelles concernées, des sols pollués et des restrictions précisées à l’article 2 de l’arrêté du 22 septembre 2015, « interdisant les usages et aménagements « résidentiels » ou assimilés », l’usage d’habitation ne pouvait être retenu.
De ce fait, aucune indemnité n’était due sur le fondement de la perte de valeur des terrains dès lors que l’activité industrielle pouvait être poursuivie et que sa réaffectation à un usage d’habitation n’était pas possible à la date de référence.
Néanmoins, en cas de démonstration d’un préjudice direct, matériel et certain, le principe de l’indemnisation est admis sans qu’il soit besoin de démontrer l’intention de vendre ou louer le site soumis à SUP.
Encadrement de la dérogation du PLU en matière de végétalisation des bâtiments
L’article L 152-5-1 du Code de l’urbanisme, (loi Climat et résilience, 22 août 2021) prévoit en matière de demande d’autorisation d’urbanisme, dans les zones urbaines ou à urbaniser, une dérogation à certaines règles du plan local d’urbanisme (PLU) en cas d’installation de dispositifs de végétalisation sur les façades et toitures.
Le décret n°2022-1653 du 23 décembre 2022 encadre cette dérogation concernant les règles de hauteur (dépassement autorisé limité à un mètre) et l’aspect extérieur, la dérogation porte alors sur les caractéristiques architecturales des façades et toitures arrêtées par le PLU.
Une note précisant la nature de la dérogation sollicitée et des conditions y afférentes devra accompagner la demande d’autorisation d’urbanisme.
Pour recevoir les veilles vous pouvez vous inscrire à la newsletter en cliquant ici.
Veille juridique opérations immobilières – Janvier 2023