Veilles

VEILLE JURIDIQUE OPERATIONS IMMOBILIERES – MAI-JUIN 2024


IMMOBILIER


Le diagnostic de performance énergétique (DPE) : Nouveautés et changements à partir du 1er juillet 2024 pour les petites surfaces

Ce document doit être fourni lors des ventes et des locations à l’initiative du bailleur ou du propriétaire.

Un arrêté en date du 20 avril 2024 entrant en vigueur le 1er juillet 2024, prévoit plusieurs changements :

  • une révision des seuils des étiquettes du DPE pour les appartements de moins de 40 m². L’annexe de l’arrêté en précise les données chiffrées ;
  • la modification de l’étendue de la surface utilisée pour l’établissement du DPE. Est introduite la notion de « surface de référence » incluant désormais la surface habitable, mais également les vérandas chauffées et les locaux chauffés destinés principalement à l’usage humain avec une hauteur sous plafond d’au moins 1,80 m ;
  • le caractère obligatoire de l’identifiant fiscal devenu nécessaire à la validité du DPE, sans lequel les vendeurs pourraient voir leur processus de vente ou de location bloqué.

Pour les DPE établis entre le 1er juillet 2021 et le 30 juin 2024, les propriétaires auront la possibilité d’éditer un document complémentaire attestant de la nouvelle étiquette du DPE (accessible via le site de l’Agence de la transition écologique). En l’absence de nouvelle attestation, le DPE initialement fourni reste valable.

Cette mesure, qui va concerner plus de 140 000 logements selon le service public, vise à faire sortir certains logements des catégories F et G du DPE, afin de laisser le temps aux propriétaires de rénover leur bien.


Une décision de classement en meublé de tourisme ne peut se substituer à l’autorisation de changement d’usage d’un bien

En l’espèce, une commune poursuit une société gestionnaire d’un appartement à usage d’habitation, ainsi que sa locataire, au motif qu’elles ont proposé le bien en location en meublé touristique, sans obtenir l’autorisation de changement d’usage auprès des services d’urbanisme de la ville imposée par l’article L631-7 du code de la construction.

La société et la locataire arguent en retour, qu’elles ont obtenu en 2017 une décision de classement de l’appartement en meublé de tourisme (prévue par l’article L324-1 du code de l’urbanisme et suivants). Elles considèrent que cette décision de classement obtenue les dispense de solliciter l’autorisation de changement d’usage.

Après un arrêt de la cour d’appel de Bordeaux rendu en leur faveur, le Conseil d’État a été saisi par la commune. Dans un arrêt rendu le 27 juin 2024, il a estimé qu’une décision de classement en meublé de tourisme ne peut se substituer à l’autorisation de changement d’usage.

En pratique, cela s’explique notamment par la possibilité pour les propriétaires de mettre en location saisonnière leur résidence principale, à raison de 120 jours par an, et ce sans devoir obtenir un changement d’usage du bien.

Le classement en meublé de tourisme permet notamment des abattements forfaitaires qui peuvent aller jusqu’à 71% des revenus, ainsi qu’un avantage commercial, puisqu’il permet aux propriétaires d’obtenir pour leur logement une note de 1 à 5 étoiles donnée par les locataires. 

Mathilde Aubry


Le bailleur initial reste tenu de ses obligations personnelles antérieures à la vente à l’égard du preneur

Dans un arrêt du 16 mai 2024 (n°22-19.922, FS-B), un locataire agit en restitution de loyers indus contre son bailleur originaire, ce que la troisième chambre civile admet, le bailleur initial restant tenu des obligations personnelles antérieures à la vente du bien.

En l’espèce, un propriétaire avait cédé ses locaux, loués dans le cadre d’un bail commercial. Le contrat de cession disposait notamment que l’acquéreur de l’immeuble se trouvait subrogé dans les droits et obligations du vendeur.

Le preneur agit en restitution de loyers et charges indus échus antérieurement à la vente du local commercial contre le bailleur cédant. Ce dernier lui opposa la clause précitée, estimant que le paiement de l’indu devait revenir à l’acquéreur. C’est le raisonnement qu’a suivi la cour d’appel pour mettre hors de cause le bailleur initial.

La Cour de cassation a censuré cet arrêt d’appel, malgré la clause contenue dans l’acte de vente : le bailleur initial reste tenu de ses obligations personnelles antérieures à la vente, à l’égard du preneur.

Laura Lombarteix


En cas de manquement du maître d’ouvrage à ses obligations vis-à-vis du sous-traitant : indemnisation totale des sommes dues

Dans un arrêt du 7 mars 2024 (n°22-23.309 FS-B, Sté Ineo Provence et Côte d’Azur c/ Sté Axyme), la 3ème chambre civile de la Cour de cassation opère un rappel sur les responsabilités existantes dans la chaîne de contrats impliquant le maître d’ouvrage, l’entrepreneur principal et le sous-traitant.

En l’espèce, un sous-traitant a été accepté et agréé par un maître d’ouvrage, mais le maître d’ouvrage n’avait pas exigé de l’entrepreneur principal qu’il fournisse au sous-traitant l’une des garanties de paiement (caution ou délégation de paiement) prévues par l’article 14 de la loi de 1975.

Au cours du chantier, le sous-traitant agit contre le maître d’ouvrage en paiement du solde des travaux comprenant le prix des travaux supplémentaires réalisés, non réglés par l’entrepreneur principal.

La Cour d’appel avait accordé au sous-traitant le paiement du solde du marché impayé, mais pas le montant des travaux supplémentaires puisqu’ils n’avaient pas été validés par le maître de l’ouvrage.

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel, considérant que le maître d’ouvrage a manqué à son obligation de mettre en demeure l’entrepreneur principal de fournir au sous-traitant l’une des garanties de paiement, ce qui a fait perdre au sous-traitant le bénéfice de l’action directe. Le maître d’ouvrage doit, par conséquent, indemniser le sous-traitant des sommes dues par l’entreprise principale, comprenant également les travaux supplémentaires, même s’il ne les avait pas acceptés.

Laura Lombarteix


Travaux réalisés au domicile du conjoint : en cas de rupture, pas de remboursement intégral !

Un couple, qui vit dans une maison appartenant à l’épouse, se sépare. L’époux, ayant réalisé et financé divers travaux pour l’améliorer à hauteur de plus de 90 000 euros, l’assigne devant le juge aux affaires familiales, sur le fondement de l’enrichissement sans cause afin d’obtenir le versement d’une indemnité équivalente. 

En première instance, sa demande est accueillie par les juges. Cette décision est confirmée par les juges d’appel qui, pour fixer le montant de l’indemnisation au montant des travaux payés, retiennent qu’il résulte de leur paiement un appauvrissement de l’époux et un enrichissement corrélatif de l’épouse. L’épouse forme un pourvoi en cassation.

La 1ère chambre civile de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt, non pas sur le principe du versement d’une indemnité, mais sur le montant retenu : en effet, elle rappelle que le montant de la plus-value immobilière, au jour de l’instruction de l’instance, constitue l’enrichissement sans cause de l’épouse, lequel devait être recherché pour déterminer le montant de l’indemnité due à l’époux.

À noter que dans cette situation, l’indemnisation est en revanche exclue lorsque le concubin réalise des travaux dans son intérêt personnel (Civ. 1ère 24 septembre 2008) ou avec une intention libérale (article 1303-1 C. civ).

Manon Zambonino


Réception tacite d’un ouvrage existant : la seule prise de possession des lieux est insuffisante 

Pour rappel, la réception est l’acte par lequel le maître d’ouvrage déclare à l’entreprise travaux accepter l’ouvrage avec ou sans réserve. Elle marque le point de départ des garanties légales de parfait achèvement, biennale et décennale.

Il est admis par la jurisprudence que la réception soit tacite. Elle résulte d’une volonté non équivoque du maître d’ouvrage de réceptionner l’ouvrage qui est généralement caractérisée par sa prise de possession et le paiement d’une partie substantielle du prix.

Difficile à mettre en œuvre en pratique, la réception tacite est rarement admise par les juges comme le démontre l’arrêt du 23 mai 2024 rendu par la Cour de cassation

En l’espèce, une commune fait édifier un complexe socio-culturel et sportif. Après réception de l’ouvrage, des fissures apparaissent en façade et font l’objet de travaux de reprise. À la suite de ces travaux, le désordre persiste.

La commune dénonce l’inefficacité des travaux de reprise.

Confirmant la position des juges d’appel, la Cour de cassation a refusé d’appliquer la responsabilité décennale des constructeurs et du maître d’œuvre concernant ces travaux de reprise estimant qu’ils n’avaient pas été réceptionnés par la commune. 

En effet, malgré le fait que la commune occupait les lieux et avait procédé au règlement desdits travaux, la troisième chambre civile a relevé que les travaux de finition prévus au devis n’avaient ni été exécutés, ni payés par le maître d’ouvrage.

Ainsi, la Cour de cassation confirme qu’en cas de travaux sur un ouvrage existant, la prise de possession permettant, avec le paiement du prix, de faire présumer la réception, ne peut résulter du seul fait que le maître d’ouvrage occupait déjà les lieux.

Léa Baquier et Eva Panont


CONSTRUCTION


Travaux de mise en conformité : champ d’application de la garantie décennale

A la suite de la conclusion d’un contrat de construction de maisons individuelles, les maîtres de l’ouvrage contestent les travaux réalisés par le constructeur et dénoncent des défauts de conformités à l’assureur dommage-ouvrage. Une transaction est conclue avec le garant de la livraison, lequel assigne l’assureur dommage ouvrage en paiement sur le fondement de l’article 1792 du Code civil.

La Cour de cassation dans sa décision en date du 6 juin 2024, rappelle que la garantie de l’assureur dommages-ouvrage, est due uniquement pour les dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui la rendent impropre à sa destination en vertu de l’article 1792.

La Cour confirme sa jurisprudence constante aux termes de laquelle elle retient que les défauts de conformité affectant un immeuble, n’entrent pas, en l’absence de désordre, dans le champ d’application de la garantie décennale.

Enfin, elle précise qu’il en est ainsi des défauts de conformité aux stipulations contractuelles, quand bien même la démolition-reconstruction de l’ouvrage serait retenue pour réparer ces non-conformités.

Laurine Chaponnay


Assurance responsabilité civile des sous-traitants : la seule date de la déclaration d’ouverture de chantier ne suffit pas à entrainer l’application de la garantie

En l’espèce, une société en charge de la construction d’un bâtiment a sous-traité la réalisation du lot étanchéité sur toiture à une seconde société, laquelle a sous-traité la pose de la membrane en PVC assurant cette étanchéité. La réception des travaux est intervenue avec réserves et quelques années plus tard, le maître de l’ouvrage s’est plaint d’infiltrations en toiture. Il a alors agi contre la société de construction principale, qui s’est ensuite retournée contre le sous-traitant de premier rang, le sous-traitant de second rang et leurs assureurs. 

Le sous-traitant de second rang s’est vu refuser l’application de sa garantie au motif, qu’au moment de son intervention, son contrat d’assurance responsabilité civile avait déjà été résilié. 

La société de construction principale, le sous-traitant de premier rang et son assureur, quant à eux, faisaient valoir que l’ouverture du chantier était intervenue avant la résiliation du contrat d’assurance, raison pour laquelle la garantie était due. Autrement dit, ils ont estimé qu’au regard du silence de la police d’assurance, la garantie ne pouvait dépendre que de la déclaration d’ouverture de chantier, indifféremment de la date d’intervention effective de l’assuré.

Par un arrêt en date du 6 juin 2024, la Cour de cassation a considéré que la garantie n’était pas due au motif qu’elle ne pouvait pas être mobilisée pour couvrir des frais engageant la responsabilité du sous-traitant survenus après la résiliation du contrat d’assurance. Ainsi, le fait que la déclaration d’ouverture de chantier soit intervenue pendant la période contractuelle ne suffit pas à entrainer l’application de la garantie.  

Clémence Lamugnière


Conditions cumulatives des assurances obligatoires concernant les ouvrages existants

Un maître d’ouvrage confie à une entreprise les travaux de remplacement des tuiles de la couverture de sa toiture. Se plaignant d’une déformation du rampant de la charpente préexistante, il assigne l’entreprise et son assureur en indemnisation dans le cadre de la responsabilité décennale.

En cassation, l’assureur fait grief à l’arrêt de la cour d’appel de Caen de le condamner alors que l’obligation d’assurance obligatoire édictée par les articles L.241-1, L.241-2 et L.242-1 du code des assurances n’est pas applicable aux ouvrages existants avant l’ouverture du chantier, à l’exception de ceux qui, totalement incorporés dans l’ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en retenant que l’assurance obligatoire garantit les dommages à l’ouvrage existant par la construction d’un ouvrage neuf sous réserve de deux conditions cumulatives : l’existence d’une indivisibilité technique des deux ouvrages et que cette indivisibilité procède de l’incorporation totale de l’existant dans le neuf, lesquelles en l’espèce n’étaient pas caractérisées.

Margaux Sallenave


URBANISME


Un local affecté à un usage d’habitation au 1er janvier 1970 ne perd pas cet usage lorsqu’il est ultérieurement réuni avec un local d’un autre usage

En l’espèce, le propriétaire d’un appartement issu de la réunion de deux lots, est assigné par la ville de Paris afin de le voir condamner pour avoir changé l’usage de l’appartement en y réalisant de la location meublée touristique.

La Cour de cassation, dans l’arrêt du 13 juin 2024, casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Paris ayant fait droit à la demande de la ville de Paris et rappelle au visa des articles L.631-7 et L.651-2 du CCH qu’un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970 et ne perd pas cet usage lorsqu’il est ultérieurement réuni avec un autre local, quel que soit l’usage de ce dernier.

Laurine Chaponnay


Appréciation de la faute du géomètre-expert : l’absence d’incidence de l’annulation ultérieure du règlement d’urbanisme

Un maître d’ouvrage confie, à un géomètre-expert, une « mission incluant le dépôt d’une demande de permis d’aménager un lotissement et la maîtrise d’œuvre des VRD jusqu’à la réception des ouvrages ». Il s’était engagé à concevoir un projet qui « épuise au maximum les dispositions d’urbanisme applicables à chacune des parcelles créées ». Le maître d’ouvrage, se plaignant de la difficulté de vendre les lots, sur le fondement d’une erreur du géomètre-expert dans le calcul de l’emprise au sol maximale des constructions, résilie le contrat.

Le géomètre-expert l’assigne en paiement de ses honoraires. En première et seconde instance, sa faute est retenue au motif qu’il n’a pas fait application de « l’article UC9 du plan d’occupation des sols (POS) en vigueur au moment de la demande de permis de construire, selon lequel le coefficient maximal d’emprise au sol devait être calculé sur la surface de chaque lot et non sur la surface totale ».

Pour fonder son appel, le géomètre-expert rappelle que cet article UC9 du POS, sur lequel se fondent les juges du fond, avait été annulé par un jugement du tribunal administratif de Rennes et que par suite, il incombait à l’autorité administrative de ne pas appliquer un règlement illégal.

La Cour de cassation, dans un arrêt en date du 4 avril 2024, rappelle que « la faute du géomètre-expert s’appréciant à la date de l’exécution de sa mission, l’effet rétroactif de l’annulation ultérieure d’un règlement d’urbanisme est sans incidence sur cette appréciation ».  Ainsi, l’annulation ultérieure de l’article du POS, sur lequel se fondent les juges du fond pour établir la faute contractuelle du professionnel« chargé contractuellement d’établir un projet exploitant au maximum les possibilités offertes par les règles locales d’urbanisme », est sans incidence et ne lui permet pas « de se fonder (…) sur d’autres règles que celles en vigueur au moment de l’exécution du contrat».

Manon Zambonino


Autorisation d’urbanisme subordonnée à l’avis conforme d’une autre autorité : obligation de retrait en cas de refus

C’est à l’occasion d’un litige faisant suite au retrait d’une autorisation d’urbanisme du maire en raison du refus d’avis conforme du Préfet pourtant nécessaire, que le Conseil d’Etat a rappelé, dans un arrêt rendu le 25 juin 2024, que lorsque la délivrance d’une autorisation d’urbanisme requiert un avis conforme d’une autre autorité, le refus d’un tel accord s’impose à l’autorité compétente pour statuer sur la demande d’autorisation.

L’article R 423-23 du code de l’urbanisme dispose que le délai d’instruction de droit commun pour un permis de construire est de deux mois. Passé ce délai, l’article R 424-1 du même code précise que le silence de l’autorité compétente vaut autorisation tacite.

Cependant, le Conseil d’État considère que lorsque la demande n’a pas obtenu l’avis conforme d’une autorité, et qu’elle a donné lieu à une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou à un permis de construire, d’aménager ou de démolir tacites, l’autorité compétente pour statuer sur cette demande est tenue, dans le délai de 3 mois prévu à l’article L424-5 du code de l’urbanisme, de retirer la décision de non-opposition ou d’autorisation tacite intervenue en méconnaissance de ce refus.

Ainsi, le Conseil d’État estime que le maire a légitimement retiré le permis de construire tacitement accordé en méconnaissance du refus du préfet.

Danièla Taimmont

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Veille juridique opérations immobilières – Mai-Juin 2024

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