Baux commerciaux : Application aux baux en cours de la loi Pinel et imprescriptibilité de la sanction du réputé non écrit
La Cour de Cassation a rendu une décision apportant deux précisions importantes : la sanction de la réputation non écrite, introduite dans le statut des baux commerciaux par la loi n° 2014-626 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite loi Pinel du 18 juin 2014, est applicable aux baux en cours, et l’action tendant à voir réputée non écrite une clause du bail est imprescriptible.
Pour mémoire, la loi du 18 juin 2014 a notamment modifié l’article 145-15 du Code Commerce en remplaçant la sanction de la nullité par la réputation non écrite.
Ainsi, l’article L 145-15 du Code de Commerce prévoit désormais : « Sont réputés non écrits, quelle qu’en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement institué par le présent chapitre ou aux dispositions des articles L. 145-4, L. 145-37 à L. 145-41, du premier alinéa de l’article L. 145-42 et des articles L. 145-47 à L. 145-54.«
Le texte vise une série de clauses : il s’agit des clauses relatives à la durée du bail, à la révision légale du loyer, à la révision du loyer ayant varié d’un quart par le jeu d’une clause d’indexation, de l’intérêt portant sur les sommes détenues par le bailleur et excédant deux termes de loyer, de l’établissement d’états des lieux, de l’établissement d’un inventaire des charges, impôts, taxes et redevances, de la communication de l’état des travaux des trois dernières années et des trois années à venir, de la clause résolutoire et des délais accordés au preneur et enfin des règles relatives à la déspécialisation.
En l’espèce, des locaux commerciaux avaient été donnés à bail à compter du 1er avril 1998 pour une durée de neuf années. À la suite d’un congé, le bail avait été renouvelé à compter du 1er octobre 2007. Le 4 octobre 2013, le locataire avait cédé son fonds de commerce. Le 5 août 2014, le propriétaire avait délivré au nouveau locataire un commandement de payer des loyers et charges, puis l’avait assigné en référé en acquisition de la clause résolutoire. Un arrêt du 19 novembre 2015, qui avait déclaré acquise la clause résolutoire au 5 octobre 2014, avait été cassé (Cass. civ. 3, 27 avril 2017, n° 16-12.179).
Le 13 janvier 2016, le nouveau locataire a assigné à jour fixe le bailleur aux fins de voir déclarer réputée non écrite la clause de révision du loyer stipulée au bail, annuler le commandement de payer et, subsidiairement, se voir accorder des délais de paiement rétroactifs et la suspension des effets de la clause résolutoire. Le propriétaire a soulevé l’irrecevabilité des demandes et conclu au rejet de la demande de délais. Faisant grief aux juges du fond d’avoir, notamment, rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action du locataire en contestation des clauses du bail (CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 19 décembre 2018, n° 17/07428), le bailleur s’est pourvu en cassation.
La Cour de Cassation rejette les demandes du bailleur.( 3ème, 19 novembre 2020 n° 19-20.405)
Elle considère en effet que la cour d’appel a relevé que la loi du 18 juin 2014, en ce qu’elle a modifié l’article L. 145-15 du code de commerce, a substitué, à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec aux dispositions des articles L. 145-37 à L. 145-41 du code de commerce, leur caractère réputé non écrit.
Elle a retenu à bon droit que ce texte est applicable aux baux en cours et que l’action tendant à voir réputer non écrite une clause du bail n’est pas soumise à prescription. Elle en a exactement déduit que l’action tendant à voir réputer non écrite la clause du bail relative à la révision du loyer, formée le 13 janvier 2016, soit après l’entrée en vigueur de la loi précitée, était recevable.