Projet de loi de finances pour 2020 : vers la fin du « Malraux » en 2023 ?
Le projet de loi de finances initial ne comprenait aucune modification du dispositif « Malraux ».
Pourtant, le gouvernement a déposé un amendement qui a été adopté par la commission des finances de l’Assemblée nationale visant à mettre fin au dispositif à compter du 31 décembre 2023.
UNE ATTEINTE GRAVE AU DISPOSITIF « MALRAUX », ISSUE D’UNE INITIATIVE BROUILLONNE
Le dispositif Malraux, permet d’obtenir une réduction d’impôt, au titre des dépenses de restauration des immeubles situés dans les sites patrimoniaux remarquables (SPR), ex-secteurs sauvegardés, les quartiers anciens dégradés (QAD) et les quartiers conventionnés NPNRU.
Le dispositif s’étale dans le temps : les dépenses, plafonnées à 400.000€ sont éligibles jusqu’au 31 décembre de la troisième année qui suit l’obtention de l’autorisation d’urbanisme.
Pourtant, le gouvernement a déposé un amendement visant à supprimer le dispositif Malraux à compter du 31 décembre 2020.
Cet amendement, obérait nécessairement et rétroactivement les opérations de restauration en cours, a néanmoins été adopté en l’état par la commission des finances le 7 octobre 2019.
Cependant, compte tenu des évidentes objections levées par certains, le gouvernement a de lui-même rectifié son amendement, en reportant le délai à 2023, et l’a à nouveau fait adopter par la commission des finances le 9 octobre 2019.
Ce revirement furtif et cafouilleux traduit un manque d’évaluation des conséquences et fait douter de la qualité d’analyse qui a été faite de la question.
Cet amendement doit désormais suivre le circuit législatif pour entrer en vigueur.
UNE INITIATIVE EN CONTRADICTION AVEC LA POLITIQUE DU GOUVERNEMENT
Le gouvernement affiche une politique forte de redynamisation des coeurs de ville.
Cette politique était clairement affichée dans la loi ELAN et dans la loi de finances 2018 avec la mise en place du dispositif Denormandie.
Une instruction du gouvernement datée du 29 juillet 2019 adressée aux préfets de régions et de départements leur demandait expressément de «participer activement à la réhabilitation du bâti existant» pour endiguer le phénomène de l‘étalement urbain qui s‘accompagne « d‘une paupérisation des centres-villes, (…), voire d‘une dégradation du patrimoine bâti ».
Or, aucun autre dispositif ne peut se vanter d‘avoir à son actif des résultats aussi remarquables que la loi Malraux. Sans le dispositif Malraux de nombreux coeurs de villes auraient à ce jour perdu tout caractère et seraient en déshérence.
La suppression du dispositif Malraux est donc en contradiction avec ces objectifs.
De manière « politique », cet amendement est présenté comme un mécanisme d‘évaluation. Dans ce cas, il paraît anormal d’avoir décidé de la fin du dispositif et non organisé un procédé d’évaluation.
CONCLUSION PROVISOIRE
Cet amendement devant suivre le circuit législatif, nous pouvons supposer qu’au cours de ce processus une analyse plus sérieuse conduise à sa suppression.
Néanmoins, cette année pourrait être la dernière pour bénéficier du dispositif Malraux sur une période de 4 ans. La situation est d’autant plus contraignante pour les opérations réalisées en vente d’immeubles à rénover pour lesquelles le paiement des travaux ne peut se faire que conformément à l’avancement des travaux.
Evolution du régime
Le régime « Malraux » n’était que l’application du principe fiscal de base selon lequel les déficits s’imputent sur le revenu catégoriel correspondant puis sur le revenu global au-delà.
La décision prise en 2009 d’en faire une réduction d’impôt, dispositif exceptionnel, l’a précarisé.
Depuis, le taux de la réduction d’impôt a subi deux rabots et elle risque maintenant de disparaître.
Dans les QAD et quartiers conventionnés NPNRU la réduction d’impôt ne s’applique déjà plus qu’aux dépenses effectuées jusqu’au 31 décembre 2019.