VEILLE JURIDIQUE OPERATIONS IMMOBILIERES – JUILLET-AOUT 2024
IMMOBILIER
Le constat de l’appauvrissement des copropriétés françaises
Dans son rapport remis le 18 juillet dernier au Sénat, une commission d’enquête dresse le bilan de la situation financière des copropriétés en France.
Le nombre de copropriétés, difficilement identifiable, représente aujourd’hui près d’un tiers des résidences principales françaises, soit plus de 10 millions de logements. Il est estimé qu’au moins 150 000 des 780 000 copropriétés répertoriées, essentiellement des petites copropriétés, sont en difficulté.
Les origines de la paupérisation sont diverses (mauvaise gestion du syndic, absence de réalisation de travaux, appauvrissement des occupants, impayés, augmentation des charges).
Il ressort du rapport trois axes de travail : la prévention des difficultés, la pérennisation des politiques publiques et l’amélioration du fonctionnement des copropriétés.
Précisions concernant le bail réel solidaire
Le décret n° 2024-838 en date du 16 juillet 2024 vient apporter des précisions sur le dispositif du bail réel solidaire (BRS) qui n’a cessé d’évoluer depuis sa création.
Le bail réel solidaire permet une accession sociale à la propriété par le biais d’une dissociation de la propriété foncière et bâtie. Un organisme foncier solidaire (OFS) loue à un contribuable un terrain sur lequel celui-ci devient propriétaire d’un logement.
Le décret fait évoluer les conditions de mise en œuvre de ce dispositif :
- En précisant les conditions de mise en location des logements BRS. Sauf interdiction expresse mentionnée au contrat, le preneur peut désormais louer tout ou partie du logement qu’il occupe à titre de résidence principale en informant au préalable l’OFS. Les plafonds de loyers et de ressources sont fixés par décret en Conseil d’État ;
- En prévoyant des conditions dans la procédure d’attribution d’un logement. Ne peut devenir preneur une personne qui est déjà propriétaire d’une résidence principale ou d’un logement susceptible de lui procurer des revenus suffisants lui permettant d’acquérir un logement.
Précisions relatives à la méthode d’appréciation de la destination d’un immeuble ancien
En l’espèce, la maire de Paris a délivré par arrêté, à une société civile immobilière (SCI), un permis de construire en vue de la réhabilitation d’un bâtiment existant et de la construction de deux nouveaux bâtiments.
Toutefois, un syndicat des copropriétaires voisin a demandé l’annulation de l’arrêté pour méconnaissance de certaines dispositions du plan local d’urbanisme de Paris. La Cour administrative d’appel sursoie à statuer pour permettre au titulaire du permis de lui notifier un permis de construire régularisant les vices.
Le litige résultait de l’appréciation de la destination des locaux avant travaux. En effet, le bâtiment existant avait été construit à la fin du 19ème siècle et avait eu plusieurs affectations depuis, ce qui rendait difficile la détermination de sa destination.
L’arrêt d’espèce du 8 juillet 2024 permet ainsi de compléter les jurisprudences existantes sur la détermination de la destination d’un immeuble ancien en affirmant que, dans le cas où la destination d’un immeuble ne peut être déterminée par les indications figurant dans une autorisation d’urbanisme ni, à défaut, par des caractéristiques propres ne permettant qu’un seul type d’affectation, notamment en raison de son ancienneté, alors le juge administratif est compétent pour apprécier ladite destination “en se fondant sur l’ensemble des circonstances de fait de l’espèce”.
Clémence Lamugnière
Restitution d’un local commercial dégradé par le locataire : l’indemnisation du bailleur est conditionnée à la preuve d’un préjudice
En principe, le locataire d’un local commercial a l’obligation contractuelle de restituer en l’état le local loué.
En l’espèce, trois bailleurs estiment que leurs locataires ont manqué à cette obligation et demandent des dommages et intérêts.
Pour deux de ces bailleurs, les cours d’appel de Paris et de Douai ont fait droit à leurs demandes à hauteur du coût de la remise en état des locaux loués alors même qu’ils ont revendu et reloué les locaux après le départ des locataires, et ce, sans engager de dépense de travaux de remise en état et ne subissant pas de moins-value dans le cadre de la revente.
Quant à lui, le troisième bailleur s’est vu refuser son indemnisation car en ayant vendu les locaux loués trois mois après leur restitution par le locataire et sans effectuer de travaux de remise en état, il n’a pas pu prouver de préjudice.
Par trois arrêts en date du 27 juin 2024, la Cour de cassation casse les arrêts des deux premières affaires estimant que les juges n’ont pas constaté l’existence d’un préjudice à la date à laquelle ils ont statué, et confirme l’arrêt de la troisième affaire, lors de laquelle les juges ont recherché l’existence d’un préjudice pour le bailleur.
Il est ainsi rappelé que pour que le bailleur d’un local commercial soit indemnisé des frais de la remise en état de son local, il doit apporter la preuve de l’existence d’un préjudice postérieur au départ du locataire.
Validation de la répartition des cotisations de fonds de travaux selon les tantièmes de copropriété
En l’espèce, un copropriétaire souhaite obtenir l’annulation d’une résolution prise par l’assemblée générale des copropriétaires. Cette dernière prévoit d’alimenter un fonds de travaux par une cotisation annuelle égale à 5% du budget prévisionnel, répartie à proportion des tantièmes de copropriété de charges. Le copropriétaire estime que ladite résolution lui impose de contribuer à des charges qui ne profitent pas à son lot.
Pour rappel, l’article 14-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018) prévoit que, dans les immeubles à destination partielle ou totale d’habitation, doit être constitué un fonds travaux alimenté par une cotisation annuelle obligatoire par les copropriétaires.
Par ailleurs, les articles 5 et 10 disposent que la cotisation est à régler par les copropriétaires en fonction des tantièmes de copropriété permettant de déterminer la quote-part des parties communes afférente à chaque lot.
Ainsi, conformément à ces dispositions, la Cour de cassation dans l’arrêt rendu le 4 juillet 2024, estime que la cotisation appelée auprès du demandeur, afférente au fonds travaux, doit être répartie proportionnellement aux tantièmes de copropriété, peu important que le lot concerné bénéficie, ou non, du produit des dépenses occasionnées.
Danièla Taimmont
FISCALITE
Annulation de la tolérance administrative sur la location meublée touristique et le régime micro-BIC
Comme annoncé dans notre précédente veille (ici), la doctrine administrative, à la suite de la réorganisation du traitement fiscal du micro-BIC des meublés de tourisme, avait permis au contribuable de continuer à bénéficier pour les revenus de 2023 des dispositions de l’article 50-0 du CGI dans leur version antérieure à la loi de finances pour 2024.
Vous retrouvez les détails du régime du micro-BIC sur le blog du Contentieux Fiscal : ici
Cependant, un recours pour excès de pouvoir a été formé devant le Conseil d’État en vue d’annuler la tolérance administrative.
Le Conseil d’État, dans un arrêt en date du 8 juillet 2024, estime que « l’administration a incompétemment ajouté à la loi » et annule la tolérance administrative mise en cause.
Cette décision n’emporte aucune conséquence pour les contribuables qui auraient fait le choix d’appliquer cette doctrine à leur déclaration d’impôt de 2023. En effet, dans un arrêt en date du 8 mars 2013, le Conseil d’État avait précisé que l’annulation d’une doctrine administrative n’emportait pas d’effet rétroactif.
Laurine Chaponnay
Le possible refus de l’administration fiscale pour une rectification de déclaration d’impôt en cas de diminution de l’impôt
Dans le cadre de la campagne de déclaration au titre de l’impôt sur le revenu, les contribuables ont la possibilité, s’ils ont déclaré leurs revenus en ligne dans le délai imparti, de rectifier en ligne leur déclaration. Le contribuable recevra alors un nouvel avis d’impôt dès que l’administration fiscale aura traité la déclaration rectificative.
Dans un arrêt rendu par la Cour d’appel Administrative de Paris du 28 juin 2023, les juges ont statué sur le sort des télécorrections portant sur une baisse du montant des revenus déclarés dans le délai légal. Ils ont ainsi considéré que dans cette hypothèse, l’administration a l’obligation de tenir compte des corrections apportées par le contribuable, et devra engager une procédure de contrôle et de rectification après l’émission de l’avis d’imposition correctif.
À la suite de cette décision, l’administration fiscale a alors précisé dans l’actualité en ligne portant sur l’ouverture du service de télécorrection, qu’elle peut, dans certaines situations, demander au contribuable des précisions, et éventuellement refuser la correction demandée. Cette nouvelle règle est valable pour les corrections effectuées à compter de sa publication, et notamment lorsqu’elles conduisent à une diminution de l’impôt, ou à la création ou l’augmentation d’un crédit d’impôt.
Pour rappel, la télécorrection est ouverte cette année depuis le 31 juillet 2024, et jusqu’au 4 décembre 2024 inclus.
Cette décision est critiquable dans la mesure où l’impôt est déclaratif et, qu’à ce titre, les informations déclarées par le contribuable bénéficient d’une présomption d’exactitude. En cas de contestation de ces informations, les articles L10 et suivants et L55 et suivants du Livre des procédures fiscales (LPF) prévoient à cet effet les règles et la procédure contradictoire permettant l’éventuelle remise en cause de la déclaration dudit contribuable.
Or, cette décision vient déroger à la procédure contradictoire habituelle à laquelle sont attachés des droits et des garanties.
Mathilde Lecocq
Rappel sur le bénéfice de l’exonération de la plus-value sur la résidence principale
Pour rappel, aux termes de l’article 150 U, II, 1° du CGI, la cession d’une résidence principale est exonérée d’imposition sur la plus-value immobilière.
Il est de jurisprudence constante que, pour bénéficier de l’exonération de plus-value au titre de la cession de la résidence principale, un immeuble ne perd pas sa qualité de résidence principale en cas de vacances au jour de la cession, dès lors que le délai d’inoccupation est considéré comme normal.
De plus, la doctrine administrative précise que le délai d’une année constitue, en principe, le délai maximal d’inoccupation dans un contexte économique normal. Toutefois, un délai plus long séparant l’inoccupation de la date de mise en vente peut être considéré comme normal lorsque le cédant accomplit les diligences nécessaires.
Dans l’arrêt en cause, le cédant a mis en vente son bien en 2015 et la cession est intervenue en 2017.
Les juges de la Cour d’appel de Versailles, refusent le bénéfice de l’exonération au titre de la résidence principale en considérant comme anormal le délai d’inoccupation de 17 mois du bien cédé au motif que les caractéristiques du bien ne justifiaient pas de difficulté particulière pour sa commercialisation.
Il n’est pas établi que le contexte économique et réglementaire local ou des motifs particuliers, personnels ou familiaux auraient fait obstacle à la vente de ce bien dans un délai raisonnable.
Laurine Chaponnay
Notification par voie postale de l’Administration fiscale : la charge de la preuve incombe à l’Administration
Par un arrêt en date du 10 mai dernier, la Cour de cassation précise que l’Administration supporte, en cas d’envoi par voie postale, la charge de la preuve de la régularité de la notification.
En l’espèce, l’Administration fiscale a transmis à un contribuable une proposition de rectification par voie postale. La proposition de rectification, datée du 21 avril 2015, avait été retournée le 23 avril 2015 à l’Administration fiscale avec la mention « pli non réclamé », soit deux jours après la rédaction du document.
À la suite du rejet de ses déclarations, le contribuable l’assigne afin d’obtenir notamment la nullité de la procédure en raison du défaut de preuve d’une notification régulière de la proposition de rectification qui lui a été adressée.
En principe, l’Administration fiscale doit adresser au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée par recommandé, lui permettant de formuler ses observations ou son acceptation dans un délai de trente jours à compter la réception de la proposition.
La Cour précise qu’en cas de contestation, l’Administration détient la charge de la preuve de la régularité de la notification. Dans l’hypothèse d’un retour à l’expéditeur du pli recommandé, elle doit être en mesure de justifier :
– (i) d’une part, que le destinataire a été avisé, par la délivrance d’un avis de passage que le pli est à la disposition du contribuable au bureau de poste dont il relève pendant quinze jours ;
– (ii) d’autre part, que le pli n’a été retourné à l’expéditeur qu’à l’expiration de ce délai.
Le délai de mise en instance de quinze jours calendaires n’ayant pas été respecté, la Cour de cassation casse et annule une partie de la décision au motif que la notification était irrégulière.
Eva Panont
Pinel : Précisions sur les modifications apportées sur l’éligibilité des logements et les plafonds de loyers et de ressources applicables
Le Bulletin Officiel des Finances Publiques a publié, le 22 août dernier, une nouvelle décision de rescrit apportant des précisions relatives aux conséquences des modifications apportées par les arrêtés des 16 février 2022 et 2 octobre 2023 sur le classement des communes par zones géographiques pour l’application de la réduction d’impôt « Pinel ».
Concernant, d’une part, l’éligibilité des logements au dispositif « Pinel », les communes éligibles s’entendent de celles classées dans les zones A et B1. Les arrêtés susvisés ont reclassé certaines communes des zones B2 et C en zones B1 ou A, rendant ainsi certaines d’entre elles nouvellement éligibles à la réduction d’impôt.
À cet égard, l’Administration fiscale vient préciser que les investissements dans ces communes, ne pourront bénéficier du dispositif « Pinel » que s’ils ont été réalisés :
- à compter du 21 février 2022 pour celles visées par l’arrêté du 16 février 2022 ;
- à compter du 4 octobre 2023 pour celles visées par l’arrêté du 2 octobre 2023.
Concernant, d’autre part, l’engagement de location qui incombe au propriétaire, les plafonds de loyers mensuels et de ressources des locataires sont fixés en fonction des zones géographiques du lieu de situation du logement et sont révisés chaque année. Il résulte des arrêtés susvisés que plusieurs communes situées en zone B1 ont été reclassées en zone A et que certaines communes des zones B2 et C ont été reclassées en zones B1 ou A.
Partant, pour les investissements réalisés avant l’entrée en vigueur de ces arrêtés, l’Administration fiscale précise qu’il convient de prendre en compte :
les plafonds de ressources applicables tels qu’ils résultent du classement de la commune de situation du logement fixé par l’arrêté en vigueur à la date de conclusion du bail.
les plafonds de loyers applicables tels qu’ils résultent du classement de la commune de situation du logement fixé par l’arrêté en vigueur à la date de conclusion ou de renouvellement du bail ;
Clémence Lamugnière
Précisions apportées sur le taux de TVA applicable aux travaux portant sur les avancées de toit attenantes aux locaux d’habitation
Le Bulletin Officiel des Finances Publiques a apporté, le 31 juillet dernier, de nouvelles précisions concernant le taux de TVA applicable aux travaux portant sur les avancées de toit attenantes aux locaux d’habitation achevés depuis plus de deux ans.
A cet égard, l’administration fiscale vient préciser que « le taux de 10 % de TVA prévu par l’article 279-0 bis du code général des impôts (CGI) s’applique aux travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement ou d’entretien portant sur les ouvrages consistant en des avancées de toit couvrant des surfaces attenantes à la construction existante, reposant ou non sur des piliers fixés au sol ».
Pour être éligibles, ces travaux doivent par ailleurs répondre aux deux conditions cumulatives suivantes :
- « ils n’ont pas pour effet de clore les surfaces concernées et, ainsi, n’augmentent pas la surface de plancher des constructions existantes » ;
- « ils ne portent pas sur du gros œuvre, ce qui implique notamment que la mise en place de piliers ne donne pas lieu à des fondations autres que celles strictement nécessaires à leur maintien ou à l’édification de murets sur lesquels reposeraient ces piliers ».
La dénomination des présents ouvrages (auvent, pergolas…) est indifférente.
Prenant en compte ces précisions, le BOI relatif aux taux de TVA applicables aux travaux extérieurs et assimilés (BOI-ANNX-000208), ainsi celui relatif aux taux applicables aux travaux sur réseaux liés à des locaux d’habitation (BOI-ANNX-000209) ont été modifiés et complétés.
Clémence Lamugnière
Mise à jour du BOI sur les critères de taxation à la TVA du secteur hôtelier, para-hôtelier et des locations meublées à usage résidentiel
Le Bulletin Officiel des Finances Publiques a apporté, le 7 août dernier, de nouvelles précisions concernant les critères de taxation à la TVA des prestations d’hébergement hôtelières et para hôtelières et locations meublées à usage d’habitation.
Pour rappel, l’article 84 de la loi de finances pour 2024 a aménagé le régime TVA, à la suite de l’avis du Conseil d’État du 5 juillet 2023 qui avait révélé une non-conformité partielle du dispositif applicable aux prestations para-hôtelières avec la directive TVA.
Le Conseil d’État avait principalement relevé que la définition de la para-hôtellerie, reposant sur l’exigence de la réalisation d’au moins trois services annexes, était trop restrictive et inadaptée pour identifier toutes les situations de concurrence avec le secteur hôtelier, seul critère de taxation à retenir.
Le Conseil d’État préconisait alors de réaliser une analyse in concreto des différentes situations, notamment avec l’ajout d’un critère de durée de la prestation (pour plus de détails).
Cependant, le nouvel article 261 D, 4° du CGI et ses commentaires de l’Administration fiscale (BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20), ne répondent que très partiellement aux préconisations du Conseil d’État, puisque si le nouveau texte prévoit bel et bien un critère relatif à la durée de la location (moins ou égale à 30 jours), la taxation à la TVA reste cependant conditionnée à la fourniture d’au moins trois services annexes. Les locations de logements meublés résidentiels (séjours dépassant 30 jours), seront également soumis à la TVA selon les mêmes critères.
Statu quo donc, la fourniture de services annexes reste, en l’état, le critère déterminant de la taxation à la TVA.
Laurine Chaponnay et Maxime Casas
CONSTRUCTION
Mise en œuvre de la garantie décennale : la conclusion d’un bail emphytéotique emporte transfert des actions en garantie du bailleur au preneur
En l’espèce, un maître d’ouvrage confie à une entreprise la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques sur les toitures de deux bâtiments. Se plaignant ensuite de dysfonctionnements affectant la production d’énergie de l’installation, le maître d’ouvrage a assigné ladite entreprise au titre de sa responsabilité décennale. En cours d’instance, un bail emphytéotique est conclu.
Condamné par la Cour d’appel, l’assureur de l’entreprise forme un pourvoi en cassation, estimant que l’action en responsabilité décennale est attachée à la propriété de l’ouvrage. Il précise que les droits réels temporaires dont dispose l’emphytéote sur l’installation qu’il a réalisée sur le bien donné à bail ne peuvent, par principe, l’autoriser à se prévaloir de cette garantie.
Par un arrêt du 11 juillet 2024, la Cour de cassation affirme que, dans le silence du bail, l’emphytéose emporte d’elle-même transfert au preneur des actions en garantie décennale et en réparation, à raison des dommages affectant l’ouvrage objet du bail. Ce transfert prend effet dès l’entrée en jouissance et durant toute la durée du bail.
Clémence Lamugnière
CCMI : Précisions sur le point de départ de la prescription de l’action en paiement
Dans un arrêt du 1er août 2024, la Cour d’appel de Rennes s’est prononcée sur le point de départ du délai de prescription de l’action en paiement dans le cadre d’un contrat de construction de maison individuelle.
En l’espèce, un particulier avait confié, en 2012, à une entreprise la construction de sa maison avec une garantie de livraison auprès de la société Compagnie européenne de garanties et de caution (CEGC ci-après). L’entreprise de construction initiale a été placée en liquidation judiciaire pendant l’exécution des travaux. Quatre ans après, la société garante CEGC a fait reprendre les travaux, après la démolition de l’existant non conforme et a organisé une réception. Le maître d’ouvrage a refusé la réception et a assigné la société garante, aux fins d’indemnisation au titre du retard constaté.
La société garante, quant à elle, a formulé une demande reconventionnelle en paiement du solde des travaux. Le maître d’ouvrage soutient que cette action est prescrite et « qu’à l’égard d’une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l’égard de chacune de ses fractions, à savoir quand elle devient exigible ».
Pour faire droit aux demandes de la société CECG, la Cour d’appel rappelle tout d’abord que les actions des professionnels contre les consommateurs se prescrivent en deux ans. Elle rappelle ensuite que l’article L231-6 du CCH prévoit qu’en cas de défaillance du constructeur, ce dernier « est en droit d’exiger de percevoir directement les sommes correspondantes aux travaux qu’il effectue ou fait effectuer ». Enfin, elle rappelle que, selon l’article R231-7 du CCH, le solde du prix n’est exigible qu’à compter de la réception sans réserve ou de la levée de réserves.
Au cas particulier, l’ouvrage n’ayant pas été réceptionné, la Cour d’appel s’aligne sur l’arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 13 février 2020 posant le principe selon lequel la prescription biennale court à compter du jour où le solde du prix est exigible.
En conséquence, aucune réception n’ayant eu lieu, la prescription pour l’action en paiement n’est pas échue.
À noter que dans cet arrêt, si le juge du fond prononçait une réception judiciaire, elle ne pourrait l’être à la date de la première convocation du CEGC pour réceptionner l’immeuble, et avec réserve au regard des griefs soulevés par le maître de l’ouvrage. Le délai biennal de prescription n’était, dans cette hypothèse, pas davantage échu.
Danièla Taimmont
Autorisation d’urbanisme subordonnée à l’avis conforme d’une autre autorité : obligation de retrait en cas de refus
C’est à l’occasion d’un litige faisant suite au retrait d’une autorisation d’urbanisme du maire en raison du refus d’avis conforme du Préfet pourtant nécessaire, que le Conseil d’Etat a rappelé, dans un arrêt rendu le 25 juin 2024, que lorsque la délivrance d’une autorisation d’urbanisme requiert un avis conforme d’une autre autorité, le refus d’un tel accord s’impose à l’autorité compétente pour statuer sur la demande d’autorisation.
L’article R 423-23 du code de l’urbanisme dispose que le délai d’instruction de droit commun pour un permis de construire est de deux mois. Passé ce délai, l’article R 424-1 du même code précise que le silence de l’autorité compétente vaut autorisation tacite.
Cependant, le Conseil d’État considère que lorsque la demande n’a pas obtenu l’avis conforme d’une autorité, et qu’elle a donné lieu à une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou à un permis de construire, d’aménager ou de démolir tacites, l’autorité compétente pour statuer sur cette demande est tenue, dans le délai de 3 mois prévu à l’article L424-5 du code de l’urbanisme, de retirer la décision de non-opposition ou d’autorisation tacite intervenue en méconnaissance de ce refus.
Ainsi, le Conseil d’État estime que le maire a légitimement retiré le permis de construire tacitement accordé en méconnaissance du refus du préfet.
Danièla Taimmont
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Veille juridique opérations immobilières – Juillet-Août 2024